Perte d’emploi et surendettement: éviter les pièges

Le travailleur licencié, un accidenté de la vie

Autrefois, le fait d’avoir un emploi représentait une sécurité financière. Pour près de 10% des personnes consultant un service de médiation de dettes wallon en 2015, la perte de leur emploi constitue le principal facteur déclencheur de leurs difficultés financières. Parmi la typologie des causes menant au surendettement, on parle d’accidents de vie.
Dans le livre d’Olivier Bailly Ces vies en faillite, paru en 2011 aux éditions de la Renaissance du livre, on fait toute une série de rencontres. Avec Albert, Benjamin, Véronique et Didier qui sont démunis, en situation précaire, paupérisés et qui ont maille à partir avec les huissiers et les sociétés de recouvrement. Ceux-là n’arrivent pas à payer leurs dettes parce que leurs revenus ou allocations sociales sont trop bas et qu’ils sont structurellement incapables de faire face à leurs dépenses.
Autres rencontres: Fred et Sonia, Valérie, Fatima, Martha. Tous surendettés. Dans la typologie qu’Olivier Bailly emprunte dans son ouvrage à un juge du tribunal du travail, Philippe Lecoq, on parle de pauvres (on les a pointés ci-dessus), de flambeurs ou de «dépensiers fous» qui s’endettent de manière massive et sans retenue, quel que soit leur niveau de revenus et puis aussi des accidentés de la vie. «Cette catégorie comprend les accidentés de la route, du travail, mais aussi les malades, les séparés, les veufs, les fraîchement licenciés».
On retrouvait déjà un essai de typologie dans une recherche menée sous la direction de Françoise Domont-Naert, en 1993, intitulée «Le surendettement des consommateurs en Belgique». Dans cette étude, étaient repris: les défavorisés, vivant dans l’insécurité économique, sociale, financière et ayant en commun l’irrégularité et la faiblesse de leurs ressources; les individus en dissonance, voulant afficher un certain paraître ne correspondant pas à leurs moyens; les flambeurs aisés, ayant un niveau socio-économique élevé mais pratiquant le crédit mode de vie, et enfin les infortunés ayant fait l’objet d’une baisse imprévue de revenus ou d’une augmentation involontaire des dépenses. Parmi les causes accidentelles, la perte d’emploi est déjà répertoriée comme pouvant conduire au surendettement.
Quelques chiffres

De l’avis des professionnels des services de médiation de dettes en Wallonie, en 2015, dans 35% des dossiers, l’accident de vie de manière générale apparaît comme l’origine principale du surendettement des bénéficiaires qu’ils rencontrent. Les pertes d’emploi représentent 10% de ces accidents de vie. En Région flamande, cette occurrence de la perte d’emploi dans les dossiers de médiation de dettes était de 11,5% en 2015 contre 10,61 en 2013, dans le chef des demandeurs. Dans le chef du conjoint, cette occurrence était de 3,75% en 2015 contre 2,5 en 2013. Pour ce qui est de Bruxelles, ce type de statistiques n’est pas disponible.
Comme l’a relevé Caroline Jeanmart, sociologue à l’Observatoire du crédit et de l’endettement, dans un exposé réalisé en 2014 lors d’un colloque sur «Le surendettement: frein majeur à l’emploi?», celle-ci relevait que la perte d’emploi, la diminution de revenus ou le changement d’activité professionnelle peuvent être le facteur déclencheur de l’accumulation de dettes ou la conséquence des difficultés financières. L’équation fonctionne dans les deux sens. L’impact du surendettement sur la recherche d’emploi n’est pas négligeable, car elle peut induire un manque de motivation, des problèmes de mobilité, une perte d’estime de soi, des problèmes de santé physique ou mentale, une vulnérabilité aux addictions, ainsi qu’un manque d’informations ou des informations non pertinentes sur les conséquences d’une mise à l’emploi (saisie des revenus, par exemple). À l’inverse, le surendettement peut avoir un impact sur la productivité du travailleur qui manque de disponibilité et de concentration, de motivation, qui éprouve un sentiment de honte, des problèmes de santé physique ou mentale ou de l’absentéisme, ce qui peut entraîner une perte d’emploi.
N. Cobbaut