Maxime Prévot : « Il faut privilégier l’accompagnement individuel »

C’est désormais un ministre CDH (tout comme à Bruxelles – voir page 7) qui gérera le dossier de la médiation de dettes en Région wallonne: en charge de l’Action sociale, Maxime Prévot a ses petites idées pour une aide efficace aux personnes surendettées. Par contre, il n’y aura pas de miracle en termes budgétaires.

Les Échos du crédit: Connaissez-vous la problématique du surendettement? Avez-vous déjà eu affaire à ce type de dossiers?

Maxime Prévot: En tant que ministre de l’Action sociale en activité depuis quatre mois, je ne peux pas dire que cela a été mon premier gros dossier depuis mon entrée en charge. La réforme de l’État, le transfert de compétences aux Régions et les questions budgétaires y afférentes sont les urgences à traiter. Mais je dois dire qu’il s’agit d’une thématique à laquelle je suis très sensible car elle concerne le quotidien dramatique de nombreuses personnes en Wallonie et ailleurs dans le pays. Si je ne suis pas un spécialiste en la matière, durant mon parcours comme échevin de la Cohésion sociale à la Ville de Namur pendant plus de six ans, la question des difficultés financières de mes concitoyens a été une source de préoccupation. Pour essayer de mener la politique la plus intelligente sur la question, j’ai voulu travailler en synergie avec Philippe Defeyt, président du CPAS de Namur. Avec une réflexion globale sur l’endettement et le surendettement, en mettant en œuvre des mécanismes d’aide en amont comme le microcrédit, en étant également attentifs à certains publics fragilisés, comme les personnes âgées et les familles monoparentales et en soutenant les structures publiques, associatives et privées qui gèrent les dossiers de surendettement.

ECE: Comment envisagez-vous le travail des médiateurs de dettes?

M. Prévot: Comme dans d’autres prises en charge sociales qui touchent à la grande précarité, le travail avec la matière première humaine est essentiel: il faut un climat de confiance, un travail individualisé. Il ne faut pas que cette matière se règle uniquement à une échelle macro, à travers des décrets, des arrêtés qui érigeraient des règles unilatérales, des méthodes arrêtées: je pense qu’il n’y a pas de solutions toutes faites et qu’il faut laisser les médiateurs de dettes investir cette relation privilégiée. Les profils des personnes surendettées sont par ailleurs tellement divers que l’on ne peut pas tout réglementer. Il faut laisser une place à l’autonomie de travail. Je n’ai pas de lapin dans mon chapeau, mais ma responsabilité ministérielle consiste à faire en sorte que ces interfaces de proximité soient les plus efficaces. Mais on peut aussi éviter que des personnes ne tombent dans le surendettement en travaillant sur la prévention: même s’il s’agit d’une compétence fédérale dans le cadre de la protection du consommateur (géré par le ministre fédéral Koen Geens – NDLR), la Région wallonne peut aussi œuvrer à cet égard, pour éviter d’inciter les gens à tomber dans cette spirale. Il faut faire un travail de sensibilisation par rapport aux prétendus «crédits pas chers». Tout en veillant à ne pas stigmatiser les personnes surendettées: il faut travailler la prise de conscience et la responsabilisation, pas la contrition. Je pense aussi que l’action en milieu scolaire, chez les plus jeunes, est importante, pour travailler sur le côté relatif des marques, en mettant l’accent sur l’être plutôt que l’avoir. Il faut également essayer de briser ce tabou autour de l’argent, permettre aux personnes de parler plus ouvertement de leurs difficultés financières, sans pour autant banaliser le surendettement. Il faut des campagnes de sensibilisation, pas de culpabilisation.

ECE: Pas mal de services de médiation de dettes se disent débordés. Envisagez-vous d’augmenter leur capacité d’accueil?

M. Prévot: Je mise avant tout sur les services de proximité et les services de médiation de dettes sont les plus adéquats. Mais il faut aussi une réflexion plus macro par rapport à l’encombrement des services: un certain nombre de services sont saturés et d’autres ne tournent pas à plein. Il faut pouvoir réfléchir à propos de la réorganisation du paysage pour plus d’efficacité, en concertation avec le secteur. En matière budgétaire, dans ce secteur de la médiation de dettes, les moyens ont été multipliés par 2,3 entre 2000 et 2013. Entre 2013 et 2020, il ne sera certainement pas possible de réitérer ce mouvement. Pour 2015, ce sera le statu quo: aucune réduction de budget ne sera réalisée dans ce secteur, l’enveloppe sera identique, mais on n’est pas non plus dans un schéma de croissance des moyens. Donc, à enveloppe constante, il va falloir adapter ce qui est déjà en place. Mais, en même temps, je n’ai pas de velléité de faire des changements pour le plaisir de changer. Je n’ai pas de préjugés, pas de volonté non plus de jouer à Zorro. Je suis pour l’efficacité et l’efficience, j’ai peu de tabous. S’il y a changement, il sera concerté. Il faut veiller à la meilleure allocation des moyens possible, comme on l’a fait à la Ville de Namur au sein du département de la politique sociale qui regroupait plus de 100 personnes.

ECE: Y a-t-il d’autres points d’attention qui vous préoccuperont durant cette législature à propos de cette matière?

M. Prévot: Je suis particulièrement sensible à la question des familles monoparentales qui sont très souvent citées parmi les publics précarisés et donc surendettés. Je pense qu’il faut opérer un screening des législations fédérales et régionales selon l’angle des familles monoparentales pour voir dans quelle mesure un certain nombre de dispositifs sont inadéquats par rapport à leur situation et comment y remédier. Cela concerne l’accès au logement social, le plan fiscal, les allocations familiales,… Je pense vraiment qu’il faut éviter de pénaliser les papas et les mamans seuls. Autre sujet qui me préoccupe: c’est celui de la prévention tertiaire et des rechutes, qui nécessitent de poursuivre l’accompagnement pendant un certain temps pour garantir la mise en place de nouveaux réflexes. Il faut un accompagnement à l’autonomisation des personnes pour que des démarches d’apprentissage puissent se mettre en place. Il faudrait probablement aussi en savoir plus sur ces rechutes. Enfin, puisque vous m’interrogez sur la question de l’accessibilité des logements dans le secteur privé, budget qui grève fortement les capacités financières des locataires, je ne suis ni pour imposer des prix ni pour la taxation des loyers, mais plutôt pour des mesures incitatives, par exemple sur le plan fiscal, pour les propriétaires qui s’aligneraient sur une grille de référence proposant des loyers balisés sur la base de critères objectifs. Je pense avant tout qu’il faut être imaginatif.

Propos recueillis par Nathalie Cobbaut

Encadré: Simplification et harmonisation au programme

Dans un communiqué de presse en date du 5 décembre 2014, le ministre Maxime Prévot a annoncé qu’il a décidé de simplifier le travail des associations et de leurs gestionnaires dans le secteur de la santé et de l’action sociale. Un arrêté a été adopté afin de simplifier tout d’abord le processus d’octroi et de contrôle des subventions pour les acteurs du non-marchand, parmi lesquels figurent les services de médiation de dettes. Le but est d’éviter les problèmes de trésorerie aux associations en octroyant une avance sur leur subvention annuelle en début d’année. Concrètement, dès 2015, une avance correspondant à 85% du montant indexé de la dernière subvention octroyée sera liquidée au plus tard le 1er mars de l’année de subvention. Une seconde avance sera liquidée au plus tard le 1er septembre et le solde sera versé après vérification du dossier par l’administration. En matière de contrôle des subventions, le principe de confiance sera appliqué avec un dossier justificatif simplifié et composé d’une déclaration sur l’honneur, d’une déclaration de créance et d’un décompte récapitulatif. La mise en œuvre de ce système sera précédée d’une opération pilote dans plusieurs secteurs. Enfin, le ministre Prévot souhaite l’harmonisation, la simplification et la dématérialisation du rapport d’activités, avec cinq parties: l’identification de l’opérateur, les activités réalisées pendant l’année, les publics cibles, les données particulières au domaine d’activité de l’opérateur, l’auto-évaluation et les perspectives de développement de l’opérateur. Le rapport devra être envoyé au plus tard le 1er mars de l’année qui suit l’année concernée.