Dossier « Du civil au social : la parole aux juges du RCD »

Intro

Derrière les décisions d’admissibilité, de révocation, de plans judiciaires, et toutes celles, nombreuses, qui jalonnent les RCD traités depuis 2007 par les juridictions du travail, il y a des hommes, des femmes – les juges du contentieux RCD – qui ont découvert cette loi, souvent sur le tas, se sont organisés pour faire face à l’afflux de dossiers et qui, en fonction de leur sensibilité, rendent des jugements qui ont un impact fort sur le destin des personnes engagées dans cette procédure. Rencontre avec trois d’entre eux.

Témoignage de juges

Jean-François Funck, juge au tribunal du travail de Nivelles

C’est en 2007 que Jean-François Funck découvre cette procédure en RCD, compétence catapultée parmi les dossiers déjà traités par ces juridictions, liés au droit du travail, de la sécurité sociale ou de l’aide sociale. Une procédure qui l’a notamment mené à une prise de conscience des réalités que vivent les médiés et à une adaptation des méthodes de travail pour gérer le flux exponentiel des dossiers.

« La première chose qui m’a frappé quand j’ai commencé à traiter ces dossiers et donc à me pencher sur l’histoire des personnes en RCD, c’est que, contrairement à ce qu’on pense généralement des cas de surendettement, il ne s’agit généralement pas de personnes qui ont dépensé leur argent pour des achats inconsidérés, en contractant une multitude de prêts sans réfléchir aux conséquences de leurs actes. Le plus souvent, les difficultés surviennent à la suite d’un accident de la vie (une maladie, une séparation, la perte d’un emploi,…). On voit aussi beaucoup d’indépendants dont les affaires ont périclité, des personnes qui se sont portées caution et qui ont dû se porter garantes. Souvent les gens avaient les moyens et puis ils se retrouvent avec beaucoup moins et cela coince. Sans doute ces constats sont-ils aussi liés à la population de l’arrondissement de Nivelles qui comprend notamment le Brabant wallon, avec des ménages qui ont des revenus moyens, voire supérieurs. Cela dit, il y a bien sûr aussi des personnes qui ont des revenus tellement faibles que leur endettement est structurel. Mais ces différents profils ne cadrent pas forcément avec l’image du flambeur, véhiculée par la presse ou dans l’inconscient collectif, qui ferait des dettes à tout va et qui ne se préoccuperait pas des conséquences. C’est important de recadrer les choses à cet égard. »

Autre étonnement : la découverte dans les dossiers du comportement de certains créanciers, souvent les mêmes, qui, selon ce magistrat, prêtent de l’argent n’importe comment, accordent des crédits en dépit du bon sens, sans aucune enquête sur les capacités financières, voire incitent les personnes déjà en difficulté à contracter de nouveaux prêts. « Là encore j’ai été très frappé de constater une telle réalité, que je ne soupçonnais pas avant de me plonger dans ce contentieux. »

Trouver ses marques

Concernant la procédure en tant que telle, Jean-François Funck fait remarquer le caractère tout à fait particulier du contentieux RCD, qui diffère des autres dossiers qu’il a eu à traiter jusque-là : « La plupart du temps, le juge qui reçoit un dossier entend les avocats, tranche et puis n’entend plus jamais parler du dossier. Avec le RCD, il s’agit d’un dossier qui dure, d’une procédure qui évolue, avec des prises de décision au fil des mois, des années. Il y a une plus grande proximité avec les parties, notamment à l’audience. On rencontre les gens. On a aussi beaucoup de contacts avec les médiateurs de dettes. Pour certains aspects, cette procédure est assez lourde, notamment pour les dépenses extraordinaires pour lesquelles le juge est sollicité et doit exercer un certain contrôle social. Je perçois assez le côté humiliant pour le médié de ce type de démarches pourtant obligatoire. Ce qui est difficile, c’est de savoir jusqu’où il faut faire la morale. On joue un rôle éducatif : il faut faire sentir au médié qu’il a la responsabilité de rembourser ce qu’il peut, mais en même temps certains juges ont un sens moral très aigu, allant parfois jusqu’à s’opposer à un plan amiable qui recueille l’accord de tous car ils estiment le montant destiné aux créanciers trop faible. J’adopte à cet égard une position plus détachée : si tout le monde est d’accord, pourquoi faire autrement ? Idem lorsque les créanciers ne se manifestent pas : je ne suis pas là pour me substituer à leur passivité. Mais il faut aussi expliquer aux gens qu’ils doivent réduire leurs dépenses et consacrer une partie de leurs revenus à rembourser leurs dettes. Il faut leur faire la leçon et être un peu paternaliste. En tant que juge, on joue aussi un peu le rôle d’assistant social : on écoute les gens, on essaye de comprendre la situation, on énonce des solutions pour relever la tête hors de l’eau,…»

Pour ce magistrat, il est évident que la procédure en RCD permet aux personnes surendettées d’être soulagées et de ne plus être aux abois, alors qu’ils sont poursuivis par les créanciers, via les huissiers ou les sociétés de recouvrement. Selon Jean-François Funck, en ce sens, cette notion de dignité humaine est bien rencontrée, mais elle diffère assez sensiblement de ce que l’on entend par dignité humaine dans le cadre des recours que les juges du travail ont à connaître en matière d’aide sociale. « Dans ce cadre, on parle du minimum minimorum pour vivre, avec des gens qui disposent de très faibles ressources, qui n’ont plus la possibilité de payer leur loyer ou leurs factures d’énergie. Avec le RCD, on se situe souvent à des niveaux de revenus plus élevés, ce qui influence l’appréhension des contours de la dignité humaine dans ce cadre. Cela pose la question de l’évaluation du pécule de médiation et de la difficulté de fixer un seuil, étant donné que la notion de dignité humaine est finalement très variable, d’une personne à l’autre.»

Au jour le jour

Au tribunal du travail de Nivelles, les juges en charge du RCD disposent du concours de 20 médiateurs de dettes : essentiellement des avocats, mais aussi quelques CPAS et un service de médiation de dettes issu du milieu associatif, assez actif. Les critères de désignation sont surtout guidés par la proximité géographique entre le médié et le médiateur, ainsi qu’en fonction d’une répartition équitable des dossiers (entre 150 et 200 dossiers par médiateur). De l’avis de Jean-François Funck, « cette collaboration se passe très bien, avec des contacts fréquents avec les médiateurs, ainsi qu’avec le syndic qui les représente. Un vade-mecum qui balise la collaboration entre le tribunal et les médiateurs a été élaboré. Il arrive qu’il y ait des conflits entre médié et médiateur : dans ces cas-là, je les convoque, j’essaie de mettre de l’huile dans les rouages. Cela concerne par exemple le pécule de médiation qui arrive avec retard au médié ou le sort de dépenses extraordinaires . Il est très rare que cela se termine par un changement de médiateur. »

Sur le plan pratique, les audiences sont assez fréquentes : comme l’explique le juge Funck, « beaucoup de RCD se règlent par des plans judiciaires, une habitude qui date des juges des saisies et qui s’explique par le souci de ne pas se perdre dans des démarches longues et fastidieuses pour essayer de dégager un accord amiable, alors qu’il n’y a pratiquement aucun disponible. Il faut savoir que les honoraires des médiateurs sont assez chers : pour des dettes d’une valeur de 10 000 euros, on se retrouve vite avec des honoraires de 4 000, 5 000 euros. Autre caractéristique de notre tribunal : nous mettons en œuvre ce qu’on appelle des plans 0, pour 0 retenue, quand il n’y a aucun disponible pour les créanciers. Ils s’accompagnent de mesures d’accompagnement. On préfère cette terminologie à celle de la remise de dettes, mais c’est de cela qu’il s’agit : l’appellation plan 0, c’est de l’ordre du symbolique… Dans ces situations, ce qui me pose problème, ce ne sont pas tant les créanciers institutionnels qui sont rarement présents aux audiences, que les créanciers privés, les propriétaires ou les créanciers alimentaires, à qui l’on doit faire comprendre qu’il ne reverront pas leur dû. C’est une situation très inconfortable. »

Si Nivelles arrive à gérer ce contentieux dont le nombre a considérablement augmenté, c’est sans doute grâce à l’organisation mise sur pied en collaboration avec le greffe et les autres juges chargés du RCD, avec à la manœuvre le juge Funck comme pilote: « Il est clair que le volume de ces dossiers est exponentiel. On est aujourd’hui à environ 2 000 dossiers, mais cela ne fait qu’augmenter. Il a fallu mettre en place une organisation, un management qui demande de ma part une présence quotidienne au tribunal. Il faut être organisé, contrôler l’état des dossiers, tout en gardant de la souplesse, mettre aussi en place des procédures simplifiées : c’est par exemple le cas pour les ordonnances relatives au budget et aux dépenses exceptionnelles que j’envoie directement par mail aux avocats. Il faut rationaliser, ce qui demande une nouvelle culture, une organisation collégiale qui dépasse les habitudes du “chacun dans son coin”. C’est indispensable pour rester à flot. »

Eric Battistoni, juge au tribunal du travail de Verviers

Après s’être intéressé pendant une dizaine d’années aux questions relatives à la simplification du langage juridique, le juge Battistoni s’est rendu compte qu’il fallait aller plus loin, notamment dans la manière de rendre la justice. Son leitmotiv dans son travail : donner du sens aux choses, en mettant en œuvre l’équité et l’éthique. Il tente au quotidien d’implémenter sa vision dans le cadre du RCD.

Au tribunal du travail de Verviers, le juge Battistoni tente de mettre en œuvre des pratiques innovantes en matière de RCD. À la base de son travail de juge, qui est bien loin des conceptions mécanistes de l’application du droit, des réflexions, fondées sur des auteurs comme Paul Ricœur, Luc Boltanski ou Laurent Thévenot, des sociologues qui ont travaillé sur le sentiment d’injustice et les univers de sens, soit les mondes dans lesquels les gens se représentent ce qui est juste ou injuste, selon un certain nombre de référentiels. Pour Eric Battistoni, « le ressort de toute consultation du judiciaire, de tout conflit est à trouver du côté du sentiment d’injustice ou encore ce qui est perçu comme un manquement à l’équité. En ce qui concerne le RCD, les choses doivent être modalisées : le sentiment d’injustice naît bien souvent de la mise en œuvre de la procédure. D’une manière générale, le juge joue une double fonction dans le cadre du RCD : celle de police sociale pour protéger les créanciers, avec un rôle de protection de la société, mais aussi une fonction de protection des parties fragilisées, soit les médiés. C’est la mise en tension de ces deux fonctions qui peut faire naître le sentiment d’injustice et c’est précisément à cette occasion que je m’appuie sur les théories des univers de sens pour essayer de faire comprendre aux médiés les décisions qui sont prises dans le cadre de la procédure.

Prenez le cas du médié qui doit diminuer de façon importante son train de vie : il faut lui faire comprendre qu’il ne peut plus faire des dépenses comme avant. Non pas en posant un regard moralisateur sur les dépenses elles-mêmes, mais en essayant de faire comprendre au médié qu’en décalant son regard, en se mettant à la place des créanciers ou du juge, il peut comprendre ce qui lui est imposé. De cette confrontation, les gens acceptent de changer de référentiel. Mais pour obtenir une telle adhésion, il faut susciter la confiance. Si celle-ci est présente, il n’y a plus besoin d’ordonner, d’imposer ».

D’où l’importance des audiences et du contact avec les médiés, avec une possibilité de parole, d’échanges avec le juge qui joue pleinement le jeu de la médiation. À cet égard, Eric Battistoni est également très attentif à la reconnaissance qui doit être accordée aux médiés. S’il n’y a pas de reconnaissance des personnes, s’il y a du mépris, il n’y a pas de dignité humaine. « Je pense par exemple à cet instituteur en RCD qui devait désormais vivre avec des moyens considérablement réduits par rapport à sa situation passée et qui n’acceptait pas cette situation. En discutant, je me suis rendu compte que ce n’était pas tant le montant de ce qui lui était alloué dans le cadre du plan de médiation qui posait problème, mais le fait qu’il n’avait plus d’autonomie de gestion et qu’il se sentait dépossédé de son existence. C’est important de faire une place à cette parole et d’en tenir compte car les dossiers RCD sont des dossiers sensibles : l’an dernier, 13 dossiers que j’ai traités se sont clôturés par décès, dont huit par suicide, avec certitude. Le temps que je passe en audience est assez conséquent (en moyenne 27 mn), mais je pense qu’il est nécessaire pour permettre une discussion et une adhésion aux décisions prises. Ce qui peut s’avérer un gain de temps au final.»

La place des médiateurs et des courroies de transmission

Pour Eric Battistoni, le juge est pleinement partie prenante dans le processus de médiation qui caractérise la procédure en RCD tout entière, puisqu’il s’agit de trouver des modèles de comportement en adéquation avec le juste. Il est aidé dans cette tâche par le médiateur judiciaire, même si le rôle de ce dernier n’est pas toujours bien compris par le médié. En effet, « il n’est pas facile de faire comprendre le coût important de l’intervention du médiateur : souvent les procédures sont longues, avec des taxations annuelles d’environ 1 000 euros. Or les frais et honoraires sont parfois supérieurs aux dettes pour lesquelles le RCD a été introduit. »

À Verviers, les médiateurs de dettes désignés sont soit issus des CPAS (une dizaine), mais ils sont débordés et ne prennent de nouveaux dossiers que lorsqu’un ancien s’achève, ce qui prend souvent des années. La prise en charge dans ce cas est globale avec une guidance budgétaire et la mise en œuvre des outils de prise en charge spécifiques aux CPAS. À côté de cela, 30 à 40 avocats assument les fonctions de médiateur judiciaire et gèrent chacun de 120 à 150 dossiers. Pour Eric Battistoni, « leur fonction est essentiellement comptable : autant de revenus, autant de charges : qu’est-ce qu’il reste pour les créanciers ? Dans 70 à 80 % des dossiers, cette approche fonctionne. Pour les 20 à 30% restants, les choses sont plus difficiles et les avocats médiateurs n’ont pas nécessairement le temps (ou l’envie) de faire du travail social. »

Dans cette perspective (mais cela peut concerner chaque dossier), des courroies de transmission ont été mises en place, à l’initiative du juge Battistoni : « Le système fonctionne à deux niveaux : d’abord une cellule de conciliation et d’accompagnement social qui est composée de ce que l’on pourrait appeler des “bons pères” de famille, soit un ancien bourgmestre, un ancien échevin des affaires sociales, des juges sociaux, un magistrat,… Une assistante sociale est également attachée à cette structure. Cette cellule se réunit une fois par semaine, le mardi matin. Elle a un rôle de conciliation, lorsque des tensions surviennent entre médiateur et médié, notamment sur des questions de dépenses, de train de vie ou d’honoraires. La cellule tente de dégager un accord entre les parties. Par ailleurs, la cellule exerce aussi un rôle d’accompagnement social : chaque fois qu’il y a un effacement partiel ou total de la dette, je renvoie le médié à la cellule qui met en place, avec l’aide de l’AS, des mesures d’accompagnement, comme se rendre au Carrefour Emploi Formation, faire des recherches d’emploi ou, si la personne n’est pas salariable, effectuer une activité bénévole. L’idée est de permettre à la personne de se reconstruire une identité, mais aussi de mettre sur pied une sorte de contrepartie à l’effacement de la dette, pas forcément envers les créanciers, mais aussi en vers la société. »

À côté de cette cellule, une coordination de tissu associatif local et des ressources de terrain a également été constituée de façon à identifier les possibilités dont la cellule d’accompagnement dispose effectivement pour aider au reclassement professionnel d’une personne, à son insertion sociale, à la prise en charge de ses problèmes de santé physique ou psychique,…

Il s’agit là d’une organisation tout à fait originale que le juge Battistoni a mise sur pied à Verviers, mais qui n’est pas forcément bien acceptée. « Or, quand il y a adhésion du médié, quand la confiance est obtenue, tout s’articule et cela marche pour un certain nombre de dossiers difficiles. »

Anne Sevrain, conseillère à la cour du travail de Bruxelles

Parmi bien d’autres contentieux qui échoient aux cours du travail, Anne Sevrain et son homologue néerlandophone, Lieven Lenaerts, ont traité l’an dernier quelque 70 recours contre des décisions prises dans des dossiers RCD. Idem cette année. Des recours assez peu nombreux, formés contre les jugements prononcés par les juges du travail des arrondissements de Bruxelles, Nivelles et Louvain.

Le regard d’Anne Sevrain sur les procédures en RCD est assez spécifique, en ce qu’elle ne connaît que des recours des décisions prises en première instance par des juges du travail. Conseillère à la cour du travail, elle ne vit pas comme le juge du fond cette procédure à la saisine permanente, qui peut rester ouvert pendant de nombreuses années et qui demande aux juridictions du travail une attention continuée et des interventions souvent fréquentes pour ajuster le tir.

Comme l’explique Anne Sevrain, « à la différence de la plupart des contentieux, où une affaire arrive devant un juge de première instance, lequel tranche, et contre lequel un recours est ensuite formé et porte sur cette première décision, lorsqu’un recours contre une décision d’un juge du travail arrive sur mon bureau en matière de RCD, je suis amenée à intervenir dans une procédure qui est toujours en cours devant le juge du travail, le règlement collectif de dettes étant par définition étalé dans le temps. Je dois intervenir dans le cadre d’un recours qui porte bien souvent sur un aspect spécifique de la procédure : je ne suis saisie que d’un petit carré du puzzle et je sais que ma décision va influencer le cours de la procédure qui est toujours en cours. Je suis donc particulièrement attentive à l’effet dévolutif de l’appel et suis assez stricte sur l’interprétation de la saisine, de façon à ne pas empiéter sur le travail initié par le juge du fond et le médiateur de dettes. Ce qui est difficile aussi, c’est le laps de temps entre l’introduction de l’appel et le moment où l’affaire est considérée : il peut y avoir des éléments de fait qui ont évolué dans cet intervalle et il n’est pas toujours évident de savoir si la saisine de la Cour porte ou non sur ces éléments. Or certains faits qui se passent en cours d’instance changent radicalement la configuration de la demande originaire : je pense par exemple à cette situation de révocation pour dette nouvelle : or, au moment où l’appel de cette décision arrive à l’audience, le médié a été placé sous administration provisoire. Faut-il encore maintenir la révocation ? En l’occurrence, j’avais maintenu cette révocation tout en effaçant le caractère fautif et frauduleux, de manière à permettre à l’administrateur provisoire de réintroduire une requête en RCD. »

Les recours les plus fréquents en appel ? Les refus d’admissibilité et l’interprétation de ce qu’est ou non un endettement durable, les révocations pour dettes nouvelles, la fixation du pécule de médiation, les frais et honoraires des médiateurs. Mais la juge Sevrain insiste : elle ne traite de ces affaires que par pointes, sur des aspects parcellaires, ce qui lui demande néanmoins de se plonger dans l’ensemble des dossiers pour y découvrir les éléments nécessaires afin d’appréhender correctement la situation. Elle voit également les personnes à l’audience, le plus souvent accompagnées par leur avocat (ce qui diffère des litiges en sécurité sociale et surtout en aide sociale). Parfois même, elle estime qu’il y a moyen de sauter certains blocages au niveau des médiés pour remettre un RCD sur les rails : « C’est rare, mais c’est gratifiant . »

Quant à l’évidente filiation entre les dossiers RCD et les juridictions du travail que le législateur a mise en avant pour justifier le transfert de compétences, Anne Sevrain n’est pas convaincue : « J’avais trouvé assez déplacé que l’on ait pu laisser sous-entendre qu’il y a des juges qui ont plus ou moins d’attention sociale. Peut-être les juridictions du travail ont-elles une meilleure connaissance des possibilités d’accompagnement offertes par les CPAS. Mais un magistrat s’adapte, s’informe. Nous avons aussi dû nous familiariser avec toute une série de législations que nous ne pratiquions jamais, comme les saisies, les ventes d’immeubles, les régimes matrimoniaux,… Cette justification était un prétexte. »

Nathalie Cobbaut