Dossier : La santé mentale aux prises avec les dettes

Des dettes qui tapent sur les nerfs

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Quand les problèmes de santé mentale s’invitent dans les dossiers

Béatrice Verhaegen est médiatrice de dettes à la Free Clinic, structure qui propose dans un même lieu maison médicale, service de santé mentale, planning familial et service de médiation de dettes. Alexia Verbraecken occupe la même fonction au CPAS d’Etterbeek. Toutes deux sont confrontées à des personnes en proie à des troubles de santé mentale plus ou moins profonds. Avec toute la difficulté de mener une médiation de dettes amiable, un règlement collectif de dettes ou une guidance budgétaire dans de telles conditions.

Lorsqu’on les interpelle sur les difficultés de santé mentale dans leurs dossiers de médiation de dettes, tant Béatrice Verhaegen qu’Alexia Verbraecken embrayent assez rapidement car ce genre de cas, elles en ont déjà rencontré dans leur parcours professionnel. Pour illustrer son propos, Alexia Verbraecken décrit une situation particulièrement ardue : « Il s’agissait d’un couple dont le mari et la femme étaient tous deux alcooliques. Nous les avions aidés à introduire une requête en règlement collectif de dettes pour laquelle ils ont été admis à la procédure. Une médiatrice judiciaire avait été nommée et nous avions accepté d’assurer la guidance budgétaire pour ce couple qui avait besoin d’un suivi assez serré. La médiatrice percevait les revenus et puis nous nous occupions de la gestion budgétaire. Dans le cadre du budget élaboré pour le RCD, nous avions tenu compte de ce problème d’alcool et étant donné qu’il y avait un certain disponible pour rembourser les créanciers, un poste “alcool” avait été prévu, même s’il n’apparaissait pas ouvertement dans les documents. Le plan amiable a été accepté par tous les créanciers, sans que le problème d’alcool ne soit mentionné ouvertement : on a évoqué simplement des problèmes de santé. Cela étant, cela a fonctionné parce qu’il y avait des revenus pour rembourser. S’il n’y avait eu aucun disponible, je ne pense pas que les créanciers ou le juge auraient été aussi compréhensifs. »

Malgré cette budgétisation, le suivi de ce couple a été particulièrement chaotique : ils faisaient des dettes dans les bistrots, provoquaient des bagarres, étaient fréquemment hospitalisés pour des cures de désintoxication. Le RCD a tout de même pu être menée à son terme : malheureusement M. est décédé en cours de procédure et Mme est toujours en gestion budgétaire auprès de notre service. Mme a d’ailleurs réussi à décrocher de son addiction à l’alcool grâce à des cures de désintoxication à Sanatia. Elle est sobre aujourd’hui, avec parfois une petite rechute en début d’année, et est suivie par le centre de guidance psycho-sociale d’Etterbeek car, au-delà des problèmes d’alcool, se greffent d’autres problèmes sociaux, psychologiques.

Des situations chaotiques

Les problèmes d’assuétude (toxicomanie, alcool), mais également d’autres problèmes de santé mentale sont fréquents dans les dossiers et cela rend complexe le suivi du plan qui a été établi au départ : comme l’explique Béatrice Verhaegen, « ce sont des plans pour lesquels ont est souvent amené à faire des avenants. On établit un premier plan, mais la situation étant chaotique et changeante, il y a de nouvelles dettes qui émergent, même quand on prend en charge le paiement des factures. Généralement on fait état de problèmes de santé de manière assez vague dans ce premier plan. Mais on gagne à indiquer qu’il y a un problème d’assuétude, avec l’accord de la personne bien sûr, car on doit justifier le caractère aléatoire du plan et informer les créanciers qu’il va y avoir des difficultés et qu’il y aura de l’instabilité. Aujourd’hui, plutôt que de faire quatre, cinq avenants au plan, je préfère l’expliquer directement aux créanciers. Dans certains cas, la situation est tellement aléatoire que je préfère demander aux créanciers s’ils accepteraient de mettre fin au plan quand ils ont été déjà été remboursés d’une partie car avec les nouvelles dettes qui se créent en cours de procédure, on risque de ne pas en voir la fin. »

Dans certains cas, les pathologies mentales sont plus lourdes. Maniaco-dépression, schizophrénie, paranoïa : dans ces cas-là, le suivi peut s’avérer terriblement complexe. Les hospitalisations sont fréquentes, avec une grande instabilité professionnelle, des déménagements fréquents, sans aucun préavis, qui entraînent de nombreux frais. Les hospitalisations sont également très coûteuses : « Heureusement, soulève Béatrice Verhaegen, que la DKV intervient pour ces séjours hospitaliers “psy” : elle est d’ailleurs la seule à le faire. Donc je m’assure que cette assurance est bien honorée, mais elle n’intervient pas s’il y a une tentative de suicide. Dans ces cas-là, les frais peuvent devenir énormes. »

Malgré le règlement collectif, il y a trente-six possibilités de faire des dettes, avec les gsm, en empruntant une voiture, puis en la crashant. Alors, dans certains cas, en plus du règlement collectif de dettes, il convient d’adjoindre à la personne un administrateur provisoire qui va gérer son patrimoine et qui rend la personne sous administration incapable de poser toute une série d’actes juridiques susceptibles de générer de nouvelles dettes. Cette administration provisoire est intégrée dans le cadre du RCD à travers une mesure d’accompagnement, mais cela nécessite néanmoins que la procédure ad hoc soit introduite devant la justice de paix. Comme l’explique Alexia Verbraecken, « dans certains cas, c’est une solution, mais cela coûte assez cher car en plus des frais et honoraires pour le médiateur judiciaire, il y a le coût de l’administration provisoire. »

Quel accompagnement ?

Ces dossiers nécessitent des gestions lourdes car les personnes sont très déstructurées et sont parfois difficiles à gérer : dans certains cas, les médiatrices de dettes ne se sentent pas à l’aise car, elles le reconnaissent, « la folie, ça fait peur». Béatrice Verhaegen explique avoir déjà été confrontée à des personnes très agressives : « Je me rappelle une personne avec des réactions très paranoïdes. C’était ce fameux Monsieur qui m’a dit de but en blanc que si je n’avais pas été une femme, il m’aurait tué. Il hurlait. J’ai dû calmement, mais fermement lui demander de partir. Heureusement, j’ai d’autres collègues dans des bureaux avoisinants qui étaient prêtes à intervenir, vu le ton qui montait. Je dois dire que cela ne m’est pas arrivé souvent, mais j’ai un collègue qui a été menacé physiquement, dont on a forcé la serrure et crevé les pneus de la voiture. Dans ces cas-là, je pense qu’il faut demander la révocation. On a un peu tendance, nous les sociaux, à accepter des comportements inacceptables. Or ce n’est pas une façon d’aider les gens ». Alexia Verbraecken confirme cette difficulté de gérer des personnes caractérielles, qui supportent très difficilement les contrariétés. « Quand on leur dit que le budget ne permet pas telle ou telle dépense, on bascule vite dans la violence verbale ». Avec ce type de personnes, le conflit est toujours latent et dans ces conditions, ce n’est pas facile d’établir une relation de confiance.

Toutes deux estiment très important de pouvoir développer une écoute attentive dans le cadre de la médiation de dettes. Le fait pour les personnes surendettées de pouvoir être entendues dans leurs difficultés apaise déjà une partie des souffrances, même si, comme le précise Alexia, « nous ne sommes pas psychologues. Mais pouvoir parler les aide ». Ces deux intervenantes de terrain sont bien conscientes aussi que, face à des problèmes de santé mentale, cette écoute et cette empathie ne suffisent pas et il faut envisager d’autres prises en charge. Pour Béatrice Verhaegen, « cela dépend des problématiques : s’il s’agit d’un tableau plutôt dépressif, on essaie de les remobiliser, de les mettre en contact avec certains services d’aide et d’accompagnement, de manière aussi à rythmer leur semaine. On les oriente vers le bénévolat dans lequel ils peuvent s’investir, si elles en ont l’envie et la force. On essaie de casser l’isolement. Mais pour un certain nombre de cas , il faut un encadrement psycho-thérapeutique et, le cas échéant, une prescription de médicaments. À la Free Clinic, ce qui est confortable, c’est que nous proposons une prise en charge multidisciplinaire : nous avons des généralistes, mais aussi des psychiatres et des psychologues avec une bonne approche sociale à qui nous pouvons référer les personnes, mais ce type de public n’est pas toujours preneur d’une démarche psy. Cela dit, pour des prises en charge plus lourdes, les personnes sont généralement déjà suivies à l’extérieur. » Pour Alexia Verbraecken, cette nécessité d’orienter les personnes vers des services de santé mentale et de se constituer un réseau d’adresses est important. « Mais parfois cela ne suffit pas de leur donner un numéro de téléphone et il faut faire la démarche avec elles pour prendre les contacts. Ce genre de situations demande aussi un accompagnement et une attention particulière pour les amener à effectuer les démarches. Il ne sert à rien de se débarrasser de la difficulté. »

L’accompagnement psychosocial comme complément à la médiation de dettes

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Une offre de support psy au secteur du surendettement

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