T.T. Mons (10ème ch. – section de Mons), 10 janvier 2013, RG n° 07/288/B

Le cautionnement qui garantit un crédit ayant financé l’achat de deux véhicules utilisés à des fins professionnelles ne peut être qualifié de gratuit dans le chef de la caution et ne peut donc faire l’objet de la décharge visée par l’article 1675/16bis du Code judiciaire. Au sens de cette disposition, le caractère disproportionné du cautionnement par rapport aux revenus et aux biens du demandeur de la décharge s’apprécie au moment où le cautionnement est donné (controversé).

« En ce qui concerne la décharge des sûretés personnelles, le texte de l’article 1675/16bis, §1er est similaire à celui de l’article 80, alinéa 3 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites. La Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer au moins deux fois très clairement sur la notion de ‘gratuité’. La nature gratuite de la sûreté personnelle consiste dans le fait que celui qui s’est constitué sûreté ne peut en retirer aucun avantage économique, ni direct, ni indirect (Cass., 26.06.2008, 1ère ch., J.L.M.B., 2009, p. 720 et Cass., 1ère ch., 14.11.2008, R.G. C.07.0417.N, F20081114-5, www.juridat.be). Ainsi, pour l’administrateur d’une société faillie qui a cautionné certaines dettes de cette dernière, la décharge n’est pas accordée.

En la cause, Monsieur P. expose en conclusions que les deux véhicules financés servaient à l’exercice de la profession de son épouse, infirmière indépendante. On doit en déduire que, Monsieur P. et Madame H. étant mariés à l’époque, l’achat et l’usage de ces véhicules constituaient des frais professionnels destinés à conserver ou à augmenter des revenus professionnels profitant au ménage.

Il ne s’agit donc pas d’un cautionnement à titre gratuit au sens où l’a précisé la Cour de cassation. »

(…)

« Le tribunal ajoute que le cautionnement n’a pas entraîné un engagement disproportionné par rapport à ses revenus de l’époque. Monsieur P., docteur en médecine, déclarait gagner 63 193 euros imposable par an et Madame H. 10 000 euros (v. pièce 1 du dossier de Monsieur P.) pour des mensualités de remboursement s’élevant à 178,42 euros et 393,53 euros.

L’éventuelle disproportion entre l’obligation de la caution et ses revenus doit s’apprécier au moment de l’engagement et non pas au moment où la caution est actionnée. Si, comme le soutient Monsieur P., la disproportion éventuelle devait s’apprécier au moment de la mise en œuvre du cautionnement, soit parfois plusieurs années plus tard, le contrat de cautionnement perdrait l’essentiel de son sens et de son utilité.

Enfin, il ressort des pièces déposées par Monsieur P. que ses revenus imposables pour 2010, en qualité de dirigeant d’entreprise (de sa société qui abrite ses activités de médecin) se sont élevés à 42 341,47 euros et qu’il perçoit des revenus immobiliers pour des montants imposables de 1 065,35 euros et de 6 871,51 euros (9 083,5 euros en 2011), soit des revenus annuels de 50 278,33 euros (pièces 5 et 7 du dossier de Monsieur P.). Le tribunal observe également que certains frais sont mis à charge de la société M., notamment les frais de deux véhicules dont une Audi A5 coupé, et les déplacements privés. Monsieur P. reconnaît, et cela ressort d’ailleurs du bilan de la société, que cette dernière lui a avancé 40 000 euros en compte courant destiné à payer ses impôts personnels, ce qui ‘absorberait’ le bénéfice net de la société pour l’année 2011. Cette dernière opération démontre par ailleurs une certaine confusion entre la société et lui-même. »

 

Les Echos du Crédit

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