Un produit hautement controversé

On lʼa déjà écrit à de multiples reprises, les pratiques en matière de crédit en magasin (bien souvent des ouvertures de crédit, mais pas uniquement) posent de nombreuses questions lorsque lʼon se penche sur les conditions dʼoctroi de ces produits, notamment concernant le respect de la réglementation en matière de conseil et dʼévaluation des capacités financières du candidat-emprunteur.

En 2011, ce sont plusieurs enquêtes qui ont été effectuées sur ce thème de lʼoctroi de crédit en magasin : on pense évidemment à l’enquête édifiante dʼOlivier Bailly, journaliste indépendant, qui, en l’espace de quelques jours, a réussi à s’endetter de manière assez conséquente, malgré des revenus déclarés relativement modestes et lʼexistence de deux prêts hypothécaires pour un montant total de 630 euros. En plus dʼun prêt voiture et dʼun autre prêt professionnel, Olivier Bailly enchaîne ensuite les demandes de cartes de crédit après dʼenseignes comme la FNAC, Cora, Carrefour, Krefël,… En tout, cʼest une somme de 25 750 euros quʼil obtiendra en trois mois, dont 15 500 euros en ouvertures de crédit. Son reportage paraît en octobre 2011 dans le journal Le Soir1, égratignant et fâchant même parfois les prêteurs. Le journaliste mettra également en exergue dans un ouvrage paru la même année lʼincompétence notoire des vendeurs en magasin à propos de lʼinformation précontractuelle, le non respect des dispositions relatives au formulaire SECCI ou encore lʼabsence totale dʼanalyse prudente du budget lors de lʼoctroi des différents prêts. Il recevra en mai 2012 le prix de la presse économique et financière, octroyé par… Belfius, avec mention spéciale du jury.

Dʼautres infos qui corroborent

Le mois suivant, c’est autour du journaliste Olivier Coroenne de reproduire la démonstration, dans le cadre de lʼémission « On n’est pas pigeons » du 24 novembre 20112. Utilisant une complice présentant un profil social et budgétaire assez typique du public des candidats surendettés (femme seule, avec un enfant à charge, un revenu de 1 690 euros/mois et un loyer mensuel de 650 euros), celle-ci décrochera en ouvertures de crédit et prêts à tempérament une somme de 20 250 euros, pour un remboursement mensuel de 1 094 euros. Ce qui, au vu de ses autres charges budgétaires (nourriture, énergie, prêt voiture,…) lʼaurait amenée à commencer le mois avec – 1 011 euros. Là encore, les crédits en magasin sont largement épinglés, mais aussi certains bureaux de crédit.

Toujours en 2011, deux études réalisées par le Réseau financement alternatif portaient sur ces fameuses ouvertures de crédit, dont lʼune était consacrée aux relations quʼentretiennent les personnes disposant de revenus faibles avec les ouvertures de crédit. Elle rendait compte de nombreux problèmes tels que le non-respect du devoir de conseil des prêteurs lors de lʼoctroi de crédits, la durée indéterminée de ces prêts ou encore lʼusage inapproprié de ces prêts qui sont utilisés pour financer un achat qui dépasse nettement la capacité du budget mensuel ou pour couvrir des achats et des factures de la vie courante

Des inquiétudes partagées

En juin de cette année, cʼétait au tour de Test-Achats de lancer ses enquêteurs sur cette question délicate des ouvertures de crédit en magasin et on line : ce sont quelque douze enquêteurs (aux profils variés : salariés, indépendants, pensionnés, allocataires sociaux,…) qui ont introduit 52 demandes dʼouvertures de crédit (voir article paru dans Budgets et Droits n°223, juillet/août 2012, p.21 et suivants). Tout en reconnaissant que la législation belge en matière de crédit à la consommation est lʼune des plus protectrices du consommateur en Europe, Test-Achats a conclu au terme de son enquête que les OC en magasin et via les boutiques en ligne sont accordées bien trop légèrement et apparemment sans règles générales claires et cohérentes. En outre, les prêteurs, ou tout du moins les employés en magasin, ne remplissent pas correctement leurs devoirs dʼinformation et de conseil. T-A constate que la formule de lʼouverture de crédit sʼest considérablement développée ces dernières années. Or les décisions dʼoctroi ou de refus de ces crédits sont extrêmement aléatoires et le manque de scrupule des prêteurs est également dénoncé.

Nathalie Cobbaut

1 J’ai risqué de me ruiner en multipliant les crédits ,Olivier Bailly, sur www.lesoir.be .
2 On n’est pas des pigeons , sur www.rtbf.be