Basta Précarité, by Trapes

Lors de la semaine de la prévention qui s’est tenue à Bruxelles au mois de juin au Centre culturel Breughel, des membres du réseau Trapes (Tous en réseau autour de la prévention et de l’expérience du surendettement) ont présenté leur pièce de théâtre: Basta Précarité. Une expérience de théâtre-action qui fait bouger les lignes.

La spécificité de Trapes, dès sa création, était de réunir des personnes ayant fait l’expérience souvent difficile du surendettement ainsi que des professionnels de la médiation de dettes autour d’un objectif de sensibilisation et de prévention. Depuis 2017, ce réseau s’est constitué en asbl et est reconnu depuis 2018 comme un réseau d’action sociale par la COCOF. L’idée est d’organiser des lieux de partage d’expériences et d’entraide, de sortir de l’isolement et de retrouver une estime de soi. Au sein de Trapes, les personnes qui ont connu elles-mêmes des problèmes de surendettement mènent des campagnes de sensibilisation, en collaboration avec des professionnels du social. Parmi les outils que certains membres de Trapes souhaitaient utiliser de longue date, figure le théâtre-action.

Depuis plusieurs années, plusieurs membres ont constitué un groupe qui se forme à l’expression verbale pour arriver à une créativité théâtrale collective. Une première formation donnée par Majo Hansotte a été dispensée sur le thème «Dire le juste et l’injuste», afin de dégager une série de questionnements autour de l’endettement. Ensuite plusieurs journées ont été consacrées à l’élaboration d’un scénario. Entamé avant le Covid, le travail s’est poursuivi en distanciel durant la crise sanitaire et a pu reprendre en présentiel, il y a plusieurs mois. Encadré par Léa Mour et Grégory Blaimont, de la Compagnie du Campus, le travail s’est concrétisé par un talk-show, joué en direct par les acteurs de la troupe. Son objectif: reconstituer des scènes du quotidien vécues par les personnes ayant déjà connu une situation de précarité et ayant été confronté au cynisme des différents acteurs institutionnels chargés d’intervenir dans ce type de dossiers. La pièce, qui dure 50 minutes, aborde sur le ton de l’humour grinçant le thème de la déshumanisation des personnes surendettées, le respect de la dignité humaine, la prévention nécessaire de ce type de situations. L’idée en toile de fond: permettre aux personnes concernées par le surendettement de prendre la parole, pour lutter contre les préjugés qui les guettent.

Prises de parole

Nat, Corinne, Alain, Denise, Martine et Étienne partagent la scène et se donnent à fond dans cette expérience.

Voici quelques-unes de leurs réactions relatives à l’intérêt de ce travail de création:

«Une très belle expérience collective et scénique, qui met en valeur le difficile sujet à traiter.» Étienne

«J’ai beaucoup appris sur moi-même et le fait de faire partie de la troupe a créé un lien fort entre nous, plus fort que la relation de travail initiale.» Denise

«Créativité et humour, revendications et coups de gueule au programme: le spectacle a permis de transmettre un message sur le surendettement, sans exagérer, dramatiser ou banaliser.» Alain

«Malgré les problèmes d’organisation liés au Covid et aux Zoom, on a tenu deux ans et on a réussi à mener une expérience collective de théâtre, avec un petit groupe pertinent et génial.» Nat

«Le sujet me parle à fond et ma passion pour le théâtre s’est tout à fait confirmée.» Martine

«Les ateliers et le résultat final m’ont permis de déposer ce que je relève comme étant difficile à supporter dans la problématique du surendettement. J’ai vécu cette expérience comme un acte citoyen.» Corinne

La pièce devrait être jouée à nouveau en novembre à La Louvière, ainsi qu’à Liège. Pour être tenu au courant des représentations, visitez le site de Trapes: www.trapes.be.

Et pour donner le ton de cette création originale, voici la recette de l’endetté cuit dans son jus par le chef Cofidis:

«Pour réussir votre endetté, vous mettez cinq cartes de crédit à chauffer dans sa poche, vous y ajoutez cinq louches de rêve publicitaire, vous le roulez dans la farine et vous le laissez mijoter au centre commercial en attendant qu’il flambe. Ensuite vous le servez tout chaud à l’huissier qui n’a plus qu’à le déguster.»

Nathalie Cobbaut