C.T. Mons (10e ch.), 3 décembre 2013, RG n°2011/AM/304

Les pensions alimentaires qui viennent à échéance entre la date d’admissibilité et la date à laquelle un plan de règlement judiciaire est arrêté peuvent, mais ne doivent pas nécessairement être intégrées dans ce plan et faire l’objet d’une remise de dettes.

« L’article 1675/7, §3, du Code judiciaire dispose que la décision d’admissibilité entraîne l’interdiction pour le requérant, sauf autorisation du juge, d’accomplir tout acte susceptible de favoriser un créancier, sauf le paiement d’une dette alimentaire mais à l’exception des arriérés de celle-ci. […] Il s’en déduit que le créancier alimentaire est un créancier dans la masse pour les arriérés échus avant la décision d’admissibilité et est un créancier hors masse pour les aliments dus à partir de cette date. Cela signifie que les pensions alimentaires échues avant la décision d’admissibilité ne pourront être payées que dans le cadre d’un plan de règlement amiable ou judiciaire; elles ne bénéficient d’aucun privilège. Par ailleurs, l’article 1675/13, §3, du Code judiciaire prévoit que le juge ne peut accorder de remise pour les dettes alimentaires non échues au jour de la décision arrêtant le plan de règlement judiciaire.

Ce texte, lu conjointement avec l’article 1675/7, §3, du Code judiciaire, laisse planer une certaine ambiguïté concernant les dettes alimentaires nées durant la période comprise entre la décision d’admissibilité et le jour de la décision arrêtant le plan de règlement judiciaire. En effet, si, aux termes de l’article 1675/13, §3, une remise de dettes est possible, elle serait contraire au texte de l’article 1675/7, §3, qui prévoit le paiement des pensions alimentaires venant à échéance à compter de la décision d’admissibilité. Dans cette hypothèse, la doctrine considère assez généralement que les sommes dues au titre d’aliments doivent être intégrées dans les charges courantes (les dettes hors masse) et que le plan ne portera que sur les arriérés impayés à la date du jugement d’admissibilité (D. Patart, op. cit., p. 129; E. Vieujean, « Aliments et surendettement », p. 83).

En conclusion, il s’impose de considérer que :

– les pensions alimentaires échues avant la décision d’admissibilité peuvent faire l’objet d’une remise de dettes;

– les pensions alimentaires échues entre la décision d’admissibilité et la décision arrêtant le plan peuvent faire l’objet d’une remise de dettes et donc être intégrées dans le plan de règlement judiciaire imposé par le premier juge (voyez à ce sujet : C.T. Mons, 21/02/2012, RG 2011/AM/430 dont le pourvoi formé contre cet arrêt fut rejeté par l’arrêt prononcé le 27/05/2013 par la Cour de cassation – RG S.12.0063.F). En l’espèce, la cour de céans estime qu’il y a lieu d’apprécier l’opportunité d’imposer un plan judiciaire au regard de la balance des intérêts en présence, c’est-à-dire des intérêts du débiteur-médié par rapport à ceux de […] la créancière d’aliments, à qui [le débiteur-médié] est redevable d’une somme de 7.206,30 euros, à titre d’arriérés de parts contributives échus à la date de l’ordonnance d’admissibilité pour les deux enfants issus de leur union.

En l’absence de règlement collectif de dettes, [la créancière d’aliments] pourrait faire exécuter son titre alimentaire et obtenir un paiement intégral de sa créance. Le seuil d’insaisissabilité n’étant pas applicable en matière alimentaire, elle pourrait le cas échéant saisir l’entièreté des revenus de son débiteur alimentaire. […] Vu l’importance de la dette (plus de 7.000 euros), la cour de céans entend faire prévaloir le droit du créancier alimentaire à obtenir paiement de la contribution à l’entretien de ses deux enfants inscrits dans l’enseignement supérieur au droit du débiteur alimentaire à obtenir une remise de dettes (qui inclurait, bien sûr, l’effacement total ou partiel de la dette alimentaire).

Il ne peut être fait droit à une demande de plan de règlement judiciaire fondé sur l’article 1675/13 du Code judiciaire impliquant une remise de dettes. L’imposition d’un plan de règlement judiciaire fondé sur l’article 1675/12 du Code judiciaire ne peut pas davantage être envisagé puisque les médiés sont dans l’incapacité de verser un dividende (le seul dividende disponible doit servir à alimenter la réserve et à acquitter les frais et honoraires du médiateur).

La demande de plan de règlement judiciaire (des requérants en règlement collectif) n’est pas fondée. »»

Cette situation relative à la distinction du sort des créances alimentaires comme arriérés échus et dettes à venir, dans le cadre d’un règlement collectif de dettes, pourrait être modifiée par le vote définitif d’une proposition de loi déjà adoptée en Commission des finances et de l’économie du Sénat, le 12 février dernier. Pour plus d’infos, voir le Télex page 29.

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