C.T. Mons (10ème ch.), 15 janvier 2003, RG n° 2012/AM/439

Les sommes à rembourser au Fonds de garantie automobile et qui ont été déboursées par celui-ci pour réparer un préjudice corporel causé par une infraction ne peuvent faire l’objet d’une remise de dettes en vertu de l’article 1675/13, §3, du Code judiciaire. Il importe peu que cette infraction soit suivie d’une condamnation par un juge pénal ou par un juge civil.

« Se basant sur l’article 1675/13, §3, du Code judiciaire, le premier juge a considéré que la créance du FCGA correspondait à une dette constituée d’indemnités accordées pour la réparation d’un préjudice corporel causé par une infraction et n’était pas susceptible d’une remise de dettes en capital.

Dans la pratique, cette disposition a amené la doctrine et la jurisprudence à s’interroger sur deux questions :

l’interdiction de remise de dettes ne concernerait-elle que les dettes résultant d’une infraction pour laquelle le débiteur a fait l’objet d’une condamnation pénale ou viserait-elle également la réparation d’un préjudice corporel n’ayant fait l’objet que d’une condamnation civile ? ;

l’interdiction de remise de dettes ne concernerait-elle que le recours de la victime ou de ses ayants droit, mais aussi de celui qui est subrogé aux droits de la victime ?

S’agissant de la première question, la cour d’appel de Gand a saisi la Cour constitutionnelle (Cour d’arbitrage à l’époque) de la question suivante :

« L’article 1675/13, §3, du Code judiciaire, interprété en ce sens qu’il ne peut être accordé de remise pour des dettes constituées d’indemnités accordées pour la réparation d’un préjudice corporel causé par une infraction pour laquelle le débiteur a été condamné au pénal, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que le débiteur qui a causé un préjudice corporel par suite d’une infraction pour laquelle il n’a pas été pénalement condamné obtient une remise et que le débiteur condamné au pénal ne l’obtient pas ? ».

Si l’arrêt de la Cour constitutionnelle conclut que la question préjudicielle appelle une réponse négative, la motivation retenue est peu claire ; elle est même tout à fait contradictoire (C.A., arrêt n° 175/2006, du 22 novembre 2006, rôle 3858).

Ainsi, comme le relève à juste titre Denis Patart, tout en considérant que « l’infraction de coups et blessures involontaires, réprimée par les articles 418 et suivants du Code pénal, se confond avec la négligence ou l’imprudence visées aux articles 1382 et 1383 du Code civil (…) et que, si la disposition en cause permettait qu’une dette née d’une telle infraction qui a fait l’objet d’un jugement civil puisse toujours faire l’objet d’une remise de dette, alors que la dette née de la même infraction constatée par un juge pénal ne peut jamais être remise, elle aurait des effets disproportionnés », la Cour constitutionnelle va cependant décider que, dans la mesure où l’article 1675/13, §3, du Code judiciaire n’oblige pas le juge à accorder la remise de dettes lorsque l’infraction a fait l’objet d’une condamnation civile (il dispose dans ce cas d’un pouvoir de décision), la différence de traitement selon que l’infraction a été constatée par un juge civil ou un juge pénal n’a pas d’effets disproportionnés (D. Patart, « Le règlement collectif de dettes », Larcier, 2008, p. 250).

(…)

De même, les travaux préparatoires ne permettent pas de considérer que le législateur a expressément voulu limiter l’exclusion de la remise de dettes aux indemnités réparant un préjudice corporel causé par une infraction pour laquelle le débiteur a fait l’objet d’une condamnation pénale.

En effet, si, au cours des travaux parlementaires, les termes « acte illicite » initialement proposés ont été modifiés par le terme « infraction » aux motifs que « en ce qui concerne le fond, la notion civile d’ ʻacte illiciteʼ est beaucoup plus large que la notion pénale d’ʻinfractionʼ qui est proposée » (Doc. Parl., Chambre, sess. 1996-1997, n° 1073/11, pp. 83-84), aucune définition ou explication n’est fournie quant à ce qu’il y a lieu d’entendre par « infraction » et il n’est pas déterminé comment et par qui cette « infraction » doit être déterminée.

Il s’ensuit que le texte légal n’impose pas que l’infraction doive faire l’objet obligatoirement d’une sanction pénale.

Il en est d’autant plus ainsi qu’un même fait constitue, dans certains cas, tant une faute civile qu’une faute pénale. C’est en particulier le cas des préjudices corporels (article 1382 du Code civil et article 418 du Code pénal).

Cette approche s’inscrit, en outre, dans l’objectif du législateur : « La remise de dettes en capital ne peut être considérée que comme un remède ultime, à n’utiliser que dans des circonstances exceptionnelles et dans des conditions strictement définies et contrôlées… Enfin, il convient d’éviter que la remise de dettes ait pour effet de déresponsabiliser les débiteurs vis-à-vis des dettes qu’ils ont contractées » (Doc. Parl., Chambre, sess. 1996-1997, n° 1073/11, p. 15).

La cour de céans estime, par conséquent, que l’exclusion de la remise de dettes prévue à l’article 1675/13, §3, du Code judiciaire s’applique aux indemnités réparant un préjudice corporel causé par une infraction ayant fait l’objet d’une condamnation par une juridiction civile. »

Les Echos du Crédit

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