Cour constitutionnelle, 10 décembre 2014, n°184/2014

Le fait que les articles 1675/13, §3 et 1675/13bis, §2 du Code judiciaire n’excluent pas de la remise de dettes en capital, les dettes composées de prestations sociales indûment payées à la suite d’une fraude sociale, ne constitue pas une discrimination inconstitutionnelle.

Le tribunal du travail de Bruxelles, amené à se prononcer sur l’établissement d’un plan de règlement judiciaire prévoyant une remise de dettes en capital à l’égard d’un requérant dont les dettes sont constituées exclusivement de prestations sociales indûment perçues à la suite d’une fraude sociale, pose une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle. Il s’interroge sur l’existence d’une discrimination inconstitutionnelle dès lors que le législateur n’a pas exclu de la remise de dettes en capital les créances des institutions sociales victimes de fraude sociale, autrement dit de violation de législations d’ordre public, alors qu’en revanche pareille remise est exclue pour les dettes constituant la réparation du préjudice corporel subi par la victime d’une infraction et pour les dettes d’un failli inexcusable.

La Cour constitutionnelle répond négativement à la question préjudicielle et conclut à l’absence de discrimination inconstitutionnelle.

Elle justifie sa décision de la manière suivante :

– «Lorsque le législateur entend protéger une catégorie de personnes afin de les réintégrer dans le système économique et social et qu’il permet, à cette fin, qu’un plan de règlement judiciaire comporte une remise de dettes, il relève de son pouvoir d’appréciation de désigner les catégories de créanciers auxquelles cette remise de dettes ne peut être imposée. Ce faisant, il ne peut toutefois créer des différences de traitement injustifiées.»

– la Cour a déjà jugé que le fait de ne pas permettre la remise en principal pour les dettes constituées d’indemnités accordées pour la réparation d’un préjudice corporel causé par une infraction et les dettes du failli qui n’a pas été déclaré excusable est raisonnablement justifié et n’entraîne pas de discrimination contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.

Pour demeurer logique, la Cour ne peut donc considérer que le fait de ne pas avoir exclu la remise en principal pour des dettes dues à des institutions sociales victimes de fraude sociale constitue une différence de traitement inconstitutionnelle.

Dans l’arrêt, la Cour rappelle : «Le législateur n’a pas subordonné l’admissibilité de la requête en règlement collectif de dettes à la condition que les dettes n’aient pas pour origine une faute volontaire ou une faute lourde.»

Notons que :

  • le nouvel article 464/1, §8 du Code d’instruction criminelle[1] interdit d’accorder des remises de dettes dans les plans de remboursement adoptés dans le cadre d’une procédure collective d’insolvabilité pour certaines amendes pénales[2] (sauf si cette remise est octroyée après un recours en grâce);
  • le nouvel article 1675/13, §3, 1er tiret interdit désormais d’accorder une remise en principal dans le cadre d’un plan judiciaire pour toutes les dettes alimentaires; auparavant, cette interdiction ne visait que les dettes alimentaires venant à échéance durant la procédure de règlement collectif, les arriérés échus au moment de la décision d’admissibilité pouvant faire l’objet d’une telle remise.

La Cour jugera-t-elle que ces nouvelles exclusions n’amènent pas des différences de traitement inconstitutionnelles?

[1] Il a été introduit par l’article 4 de la loi du 11 février 2014 portant des mesures diverses visant à améliorer le recouvrement des peines patrimoniales et des frais de justice en matière pénale (I).

[2] En effet, il semble résulter de l’arrêté royal du 25 avril 2014 pris en exécution de l’article 464/1 que cette mesure ne concernerait que les amendes résultant d’une décision judiciaire exécutoire prononcée par le juge pénal et sanctionnant une infraction qui, au moment de la condamnation définitive, pouvait être punie d’une peine principale d’emprisonnement correctionnel d’un an ou davantage. Par ailleurs, le montant dû au titre de ces amendes pénales devrait être d’au moins 10.000 euros.

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