Coût de la vie: une équation difficile

Pour le mois de mai, l’inflation a frôlé les 9%. 8,97% très exactement, contre 8,31% le mois précédent. Son plus haut niveau depuis 40 ans. En 1982, elle s’élevait à 9,02% et était essentiellement liée aux deux chocs pétroliers enregistrés dans les années 70. L’indice santé, qui ne tient pas compte de l’évolution des prix du tabac, des boissons alcoolisées, des prix du carburant (essence et diesel) et qui est utilisé pour l’indexation des loyers, atteint pour sa part les 8,34%. Hors énergie et alimentation, l’inflation sous-jacente est de 4,43%.

Cette augmentation de l’inflation est essentiellement due à la hausse des prix de l’énergie (dont nous avons abondamment parlé dans le dossier de mars et sur lequel nous reviendrons moins cette fois), avec une inflation de 56,80%, contribuant à la hausse de l’inflation totale à raison de 4,80%. On peut tout de même signaler une très légère baisse de prix du gaz, le mois dernier. Les produits alimentaires connaissent également une inflation de 6,32% contre 5,09% au mois d’avril et une contribution à l’inflation totale de 1,26 point de pourcentage. Les principales hausses des prix enregistrées au mois d’avril concernaient les carburants, le gasoil de chauffage, l’électricité, l’achat des véhicules, les boissons alcoolisées, les loyers privés, les voyages à l’étranger et les city-trips, ainsi que le poisson et les fruits de mer. À l’inverse, les appareils de télévision (-12,2%), les logiciels (-10,6%), les smartphones (-7,7%), les consoles de jeux (-3,7%) ainsi que les réfrigérateurs et surgélateurs (-3,6%). Pour ceux qui disposent d’une épargne, la différence entre le haut taux de l’inflation et le niveau assez bas des taux d’intérêt des comptes d’épargne entraîne une perte de valeur de cette dernière et, partant, une baisse du pouvoir d’achat. Mais l’inflation risque d’entraîner une hausse des taux d’intérêt, soit le coût du crédit qui, dans les années 70-80, atteignait les 10%, ce qui aura des répercussions sur d’autres secteurs.

En Europe, il y a pire que la Belgique, avec les pays Baltes, la Tchéquie, la Slovaquie, la Pologne et la Hongrie, très dépendants de la Russie en matière d’énergie. Hors Europe, mais juste aux frontières de l’Europe, la Turquie a connu un taux d’inflation qui a bondi de… 70% en avril 2022, chiffre considéré comme sous-estimé.

Et le ressenti des Belges?

Selon une étude effectuée par la division économique et financière d’ING Belgique, réalisée entre le 15 et le 23 mars 2022 auprès d’un échantillon représentatif de 1.005 Belges[1], 58% des Belges ont ressenti une augmentation des prix entre 1 et 10% pour les biens et services courants. Pour plus de quatre Belges sur dix, la vie est devenue plus chère de plus de 10%. Les jeunes et les revenus les plus faibles sont plus nombreux à ressentir une inflation plus élevée que les personnes âgées et les revenus plus importants. Plus de quatre Belges sur dix sont obligés de réaliser des économies au quotidien, notamment en alimentation ou en habillement. Un tiers des consommateurs dépensent moins dans les bars et restaurants (38%), réduisent leurs loisirs (34%) et les voyages (31%). Côté chauffage, 73% des Belges déclarent ressentir la hausse des prix de l’énergie dans les dépenses liées au logement et 51% d’entre eux ont réduit le chauffage. Cette inflation pousse également l’épargne à la baisse: 47% des Belges mettent moins de côté. Enfin, pour neuf Belges sur dix, les prix vont continuer d’augmenter, 50% des Belges se disent plus inquiets concernant leur santé financière et 47% estiment cette dernière détériorée.

Test Achats a également réalisé un sondage auprès d’un millier de Belges et, une fois encore, il ressort de cette enquête que près de 80% des Belges ont adapté leurs dépenses domestiques, en lien avec le logement, l’énergie et l’eau. Ce sont les ménages les plus vulnérables qui sont le plus touchés et qui renoncent à des dépenses pourtant essentielles…

Nathalie Cobbaut

[1] https://newsroom.ing.be/etude-economique-ding–face-a-linflation-pres-de-la-moitie-des-belges-ont-commence-a-reduire-leurs-depenses-quotidiennes

Quand la voiture mange le dernier disponible

Un élément qui peut peser dans le budget des consommateurs et plus encore dans celui des personnes surendettées, c’est le coût d’un véhicule. Or, dans certaines circonstances, celui-ci peut s’avérer indispensable, notamment lorsque le lieu d’habitation est mal desservi par les transports en commun, pour se rendre au travail ou assurer les déplacements au sein de la famille. Ce coût pèse aujourd’hui d’autant plus que le prix des voitures d’occasion n’a jamais été aussi élevé.

Avec la reprise post-Covid et la pénurie de certains composants électroniques (dont les semi-conducteurs), les voitures neuves sont devenues une denrée rare. Le marché du neuf a connu un recul de 11,2% par rapport à 2020 qui était déjà une année fortement perturbée en la matière (source: Febiac.be). La vente de voitures neuves a diminué avec 383.123 véhicules vendus au cours de l’année 2021. Contre 709.605 véhicules d’occasion et une progression de ce marché de 7,5% (source: moniteurautomobile.be). En 2022, le marché des véhicules neufs reste perturbé par les pénuries de certains composants.

Dès lors, les particuliers se rabattent sur les véhicules d’occasion, avec pour conséquence des hausses de prix significatives. Selon le site lesoir.be, qui cite notamment le site de petites annonces Autoscout24, en novembre dernier, un véhicule d’occasion se vendait en moyenne 22.104 euros, soit une hausse de 22% sur une base annuelle. Des hausses qui concernent les voitures de moins de trois ans d’âge, alors que les prix des véhicules plus âgés, de 5 à 10 ans, se situent avec une moyenne de prix s’élevant à 16.833 euros, soit une augmentation de 27,6% en un an. Avec le nombre décroissant de véhicules d’occasion arrivant sur le marché suite à la pénurie de véhicules neufs, cette tendance haussière pourrait perdurer.

Autre facteur: les inondations

Autre élément qui joue dans cette hausse de prix de la voiture d’occasion, depuis l’an dernier: les inondations de juillet 2021 et le déclassement de près de 50.000 véhicules (voitures, motos, mobylettes…) qui ont pris la tasse. Ce seraient près de 10.000 automobiles qui auraient ainsi été déclassées par les assureurs, entraînant ainsi une nouvelle hausse des demandes sur le marché de l’occasion.

Cela étant, avec la hausse du prix des carburants et une offre de véhicules neufs reprenant de la vigueur, les prix sur le marché de l’occasion pourraient suivre une pente descendante à l’automne 2022, voire début 2023 (selon une étude de KPMG), en raison d’une demande moins importante.

Quoi qu’il en soit, dans les petits budgets déjà étriqués, le coût d’un véhicule pouvait déjà peser fort lourd, avec le prix d’achat, les taxes, les assurances, les entretiens. Les prix ayant augmenté de manière significative, même pour un petit véhicule d’un certain âge, et la hausse des prix du carburant liée à la guerre en Ukraine, les budgets trinquent encore plus en raison de ces éléments.

Constat de terrain

Comme nous le rapporte Marie-Noëlle Plumb, juriste auprès du SMD et centre de référence Groupe Action Surendettement pour la province de Luxembourg, «récemment, une réunion s’est tenue avec le président de la division des tribunaux du travail d’Arlon et de Neufchâteau et la juge de Marche et les médiateurs judiciaires, concernant la question des véhicules dans le cadre des RCD. La réunion portait sur des thèmes plus larges, comme le sort réservé aux leasings présents dans les dossiers de RCD, la question de la clause de réserve de propriété et le traitement des créances relatives à des prêts pour des véhicules. À cette occasion, la question du coût des véhicules d’occasion a été abordée, avec ce constat qu’il devient de plus en plus difficile de se procurer une bonne occasion pour un coût de 2.000-3.000 euros, alors que cela arrivait dans le passé, certes pas forcément sans mauvaises surprises, mais c’était possible. Aujourd’hui, on n’en trouve plus à ce prix-là ou alors des véhicules pires que celui que l’on cherche à remplacer. Or, dans une province comme celle du Luxembourg, ne pas disposer de voiture est vraiment pénalisant, car les transports en commun sont vraiment peu développés. Mais comment faire?»

Au-delà du fait, lors de cette réunion, de s’échanger entre médiateurs et médiatrices de dettes l’adresse d’un petit garagiste de la région qui a encore de bonnes petites occasions, un même constat a été partagé par toutes et tous: «Avec l’augmentation du coût de la vie, de l’énergie, de l’essence, cela devient compliqué pour bien des ménages et, quand il faut rajouter à cela l’achat d’un véhicule pour lequel il faut consacrer 4.000, 5.000, 6.000 euros, l’équation devient insoluble…»

Crédal confirme

Pour la coopérative financière Crédal, qui octroie du microcrédit aux personnes aux revenus limités et à ceux qui sont en RCD, la situation des prêts voitures est compliquée à l’heure actuelle. Alors que Crédal se positionne comme étant une solution pour les personnes éloignées du crédit bancaire classique, afin d’acquérir certains biens de première nécessité (équipements ménagers, mobilier, travaux dans le logement, moyen de locomotion, frais de soins de santé, formations comme celle pour un permis de conduire…) moyennant un prêt, l’organisme de crédit est évidemment extrêmement soucieux de calculer le risque au plus juste et d’accompagner la personne dans son acquisition et dans le suivi du prêt pour que cela se passe au mieux. Or, actuellement, avec les véhicules d’occasion, ce travail de paramétrage du crédit en fonction des moyens et des besoins est extrêmement difficile à réaliser.

Comme le souligne Geneviève Hallet, coordinatrice Crédit aux particuliers, «déjà, il faut qu’il y ait un disponible pour pouvoir assumer la charge de remboursement du crédit, pendant la durée de celui-ci. Ensuite, il faut trouver le véhicule qui va rencontrer un certain nombre de critères de qualité afin qu’il puisse tenir la route (c’est le cas de le dire) pendant la durée du prêt. Sinon on risque de se retrouver avec une voiture déclassée avant même la fin du crédit, mais pour laquelle on continuera de payer, alors même que la personne a absolument besoin d’un véhicule pour se rendre au travail, par exemple. Il faut aussi que la personne puisse assumer les autres charges qui découlent de la possession d’une voiture et qui ne sont pas accessoires, comme les taxes, l’assurance, l’essence, les entretiens».

Des conditions

Avec l’augmentation du prix des voitures d’occasion, Crédal se retrouve confronté à des montants de prêts à octroyer qui sont élevés par rapport au disponible des personnes. Car, si la qualité des véhicules est trop médiocre, alors le risque est que la voiture ne tienne pas suffisamment longtemps. «Donc on a fixé certaines conditions: si la voiture vaut plus de 5.000 euros, on demande qu’elle ait une garantie. Si le prix est en dessous de 5.000 euros, on demande un Car Pass et le contrôle technique. On fait également attention aux écomalus par rapport aux rejets CO2 du véhicule. Il faut parfois protéger les personnes contre elles-mêmes qui rachètent une poubelle à un voisin et qui se font arnaquer…» C’est d’ailleurs ce qui est arrivé à certains qui ont racheté des voitures endommagées dans le cadre des inondations et qui ont découvert peu après leur achat des problèmes liés à l’électronique embarquée dans le véhicule.

Les mêmes considérations de prudence valent également en cas de prêt pour des personnes en RCD. Les négociations se font avec le médiateur, et la question de la mobilisation de la réserve de médiation est abordée. «De toute façon, le tribunal passe derrière et les juges sont de plus en plus prudents. La nécessité même d’une voiture est également mise en question: en ville, par exemple, elle doit vraiment se justifier par des horaires inhabituels ou un travail dans des zonings extérieurs. Sinon ce sont les transports en commun qui sont privilégiés.»

N. Cobbaut

Le budget habillement
comme variable d’ajustement

Dans un budget familial, l’habillement (vêtements, chaussures) est évidemment un poste dont il faut tenir compte. Dans les faits, pourtant, c’est sans doute une des dépenses qui passent à l’as quand d’autres postes comme le logement, l’énergie ou l’alimentation gonflent avec l’augmentation du coût de la vie.

3,4% du budget consacré aux vêtements et aux chaussures: tel est le pourcentage que l’on trouve dans les dernières statistiques disponibles en matière de budget des ménages, soit pour l’année 2020 (https://statbel.fgov.be/fr/themes/menages/budget-des-menages). Cela représente 549 € par personne comme dépense moyenne et 1.184 € par ménage. Comparés aux coûts liés au logement, dont le pourcentage représentait 31,8% du budget en 2020, ou à ceux de l’alimentation (16% du budget), les vêtements arrivent bien après, derrière les transports (9,7%), la santé (5,1%), mais avant les boissons alcoolisées et le tabac (2%).

Si l’on analyse ce budget habillement en fonction des quartiles de revenus, on trouve des dépenses qui évoluent en fonction des moyens des ménages (voir sur le site https://ibsa.brussels). Pour les revenus inférieurs au premier quartile (soit 22.790 €), les dépenses moyennes s’élèvent à 470 €; elles doublent presque pour les revenus entre le premier et le second quartile (805 €, pour une consommation totale de 29.558 €). Pour les revenus entre le 2e et 3e quartile (38.196 €), le budget habillement évolue encore (1.322 €, donc le triple de ce qui est consacré dans les ménages avec un revenu inférieur au premier quartile). Pour les revenus supérieurs au 3e quartile (50.270 euros), on monte à 2.207 €.

La présence d’enfants dans le ménage, dont la croissance nécessite le renouvellement fréquent de la garde-robe, fait également augmenter ce budget.

Un budget à la baisse, coûts à la hausse

L’année 2020 a été une année spéciale en raison de la crise Covid et des périodes de confinement qui l’ont émaillée, ce qui a notamment eu un effet sur les dépenses d’habillement, en raison de la fermeture des magasins. On enregistre une diminution entre 2018 et 2020, de 4,6% à 3,4%. On peut toutefois remarquer une évolution constante à la baisse de ces dépenses depuis plusieurs années, passant de 5% du budget en 2012 à 3,4% en 2020. Et cette tendance baissière est encore plus marquée sur de plus grandes périodes (soit depuis les années 60).

Si le budget habillement en tant que variable d’ajustement pourrait encore être revu à la baisse dans certains ménages en fonction d’autres dépenses davantage essentielles, comme le fait de se nourrir, le coût des vêtements est quant à lui annoncé à la hausse, avec l’augmentation du prix des matières premières comme le coton, la laine ou encore celui de l’énergie. On parle d’augmentations entre 5 et 10%. Donc une hausse de ce poste budgétaire pourrait se faire sentir dans ce domaine. Cependant, les chiffres de mai (Statbel) montrent une légère diminution des prix de l’habillement, notamment les vêtements pour femmes.

On peut dire aussi que dans les pécules de médiation amiable ou RCD, le poste habillement n’est pas toujours vraiment évalué, voire il est quasi éludé.

Des pistes alternatives

Si des contractions de budget peuvent être réalisées dans ce domaine, il est tout de même indispensable de se vêtir et de se chausser. Il s’agit donc de trouver des pistes là aussi pour pouvoir accéder à des vêtements et des chaussures bon marché et ainsi pourvoir à ce poste budgétaire, tout en restant dans les clous. C’est d’autant plus important lorsqu’il y a des enfants dans le ménage. Cette question joue aussi un rôle auprès des adolescents qui éprouvent un besoin d’identification à leurs pairs, à travers leur tenue vestimentaire. Comment dès lors satisfaire les besoins et, si possible aussi, les envies? Un premier conseil est d’ouvrir la garde-robe et déterminer ce dont vous avez réellement besoin comme pièces vestimentaires et comme chaussures. Idem pour les enfants, pour lesquels la croissance entraîne des besoins renouvelés.

La tendance du vintage permet aujourd’hui de trouver son bonheur parmi les vêtements de seconde main. Les friperies et autres magasins de dépôt-vente de vêtements d’occasion sont présents dans beaucoup de villes. Des enseignes comme celles des Petits Riens ou Oxfam permettent de trouver des vêtements triés, en bon état et pas forcément démodés. Il existe aussi des initiatives privées de vide-dressing ou de bourses aux vêtements (par exemple celles organisées par la Ligue des familles). Autre piste: celle des sites internet de vente de vêtements et chaussures à petits prix ou de déstockage. Idem pour des applications comme Vinted.

Les soldes peuvent aussi permettre des opportunités, à condition de se fixer un budget, d’avoir éventuellement fait un repérage pour ne pas être grugé par de prétendues démarques qui n’en sont pas et de ne pas se rabattre sur la nouvelle collection, bien souvent déjà présente lors de la période des soldes.

Enfin, si le budget est vraiment trop étriqué, il est possible également de se rendre dans un vestiaire social, généralement tenu par des associations caritatives (Croix-Rouge, Petits Riens qui ont des accords avec certains CPAS, certains CPAS eux-mêmes…), et qui propose vêtements, chaussures et accessoires, gratuitement. Il existe aussi parfois des bourses de troc de vêtements (voir par exemple sur le site Quefaire.be).

N. Cobbaut