Echos du crédit et de l’endettement, dix ans au service de la médiation

Depuis 10 ans, les Échos du crédit et de l’endettement s’intéressent au crédit, à l’endettement et au surendettement. Centrée sur la médiation de dettes et les travailleurs sociaux qui la pratiquent depuis 1994 (date de l’adoption du décret wallon sur les services de médiation de dettes), cette revue traite des différentes facettes de ce métier, se penche sur les développements législatifs et juridictionnels en la matière pour tenter de prévenir et de guérir l’accumulation problématique de dettes dans le chef des particuliers. Avec un regard journalistique et critique, de la curiosité et une pointe d’humour! Nous vous livrons ici trois regards sur une publication qui, nous l’espérons, remplit son rôle d’information et de réflexion.

©Kanar

Témoignage de première ligne

Pierre Dejemeppe est juriste, a travaillé longtemps dans le secteur du droit de la consommation à différents postes de responsabilité, avec le souci permanent d’engranger des avancées décisives dans le domaine du traitement du surendettement. Avant les Échos du crédit, soutenus aujourd’hui par les Régions wallonne et bruxelloise, il avait lancé les Cahiers de la médiation de dettes qui avaient ouvert la voie de l’information au sujet de cette nouvelle pratique sociale.

« Il y a dix ans, les médias ne parlaient pas du surendettement. Il y a cinq ans, la médiation de dettes était quasiment inconnue. Aujourd’hui, le surendettement prend place au rang des problèmes de société, et la médiation de dettes à celui de nouvelle pratique sociale », tels étaient les premiers mots du premier éditorial du premier numéro des Cahiers de la médiation de dettes, avril-mai-juin 1996. Ils indiquaient la fonction de la nouvelle revue : un outil pour ceux et celles qui pratiquent la médiation de dettes. Dans les années 80, la crise, qui a suivi les chocs pétroliers, a entraîné d’énormes difficultés pour les emprunteurs de rembourser leurs crédits. Nous étions face à une nouvelle pauvreté, de ceux qui avaient quelques moyens puisqu’ils avaient pu emprunter, mais que les accidents de la vie – le chômage, la maladie, le divorce – empêchaient de faire face aux échéances. Le surendettement était né, et, hélas, pour longtemps. Il fallait trouver des solutions. En quelques années, un mouvement s’est constitué avec des associations, des CPAS, l’Observatoire du crédit, le Centre coopératif de la consommation… La Région wallonne a inventé « la médiation de dettes » et lui a consacré un décret. Elle sera bientôt intégrée dans la loi sur le règlement collectif de dettes. Quand naissent les Cahiers, cette loi n’existe pas encore mais elle est attendue avec impatience. En novembre 98, un numéro lui sera consacré avec ce simple titre sur la couverture « La loi ».

Les travailleurs sociaux et les juristes se rencontrent fréquemment, dans les formations ou les réunions et colloques de l’Observatoire du crédit. C’est devenu un « petit milieu » joyeux et dynamique. Un journal paraît être l’outil idéal pour encourager cette dynamique. Ce sera une revue, trois fois par an et une belle revue. On peut travailler dans le social et faire joli. On aura une belle couverture, un graphisme et des articles soignés, mêlant la rigueur à l’humour des dessins de Clou. Nathalie Cobbaut, dès le premier numéro, était déjà à la manœuvre tout comme aujourd’hui aux Échos du crédit. C’est presque un miracle que cette revue ait pu cheminer pendant vingt ans. C’est la preuve qu’elle était et est toujours utile. En vingt ans, la revue a considérablement évolué. Mais elle reste fidèle à l’esprit des origines en étant un outil de services et de réflexion, mariant le sérieux et son pendant indispensable, l’humour et la douce ironie.

La Free Clinic est abonnée aux Échos depuis son premier numéro…

Béatrice Verhaegen est sans doute parmi les premières travailleuses sociales à s’être consacrées au traitement du surendettement et à l’aide des personnes en difficulté sur ce terrain. Médiatrice de dettes à la Free Clinic depuis de nombreuses années, elle est aussi une lectrice de la première heure des Échos du crédit (et auparavant des Cahiers de la médiation de dettes).

L’arrivée des Échos dans la boîte aux lettres représente un véritable appel d’air frais dans notre travail au quotidien. Un moment où on prend de la distance par rapport à nos dossiers et où on va découvrir des nouveautés juridiques, des témoignages, des réflexions plus politiques, de la jurisprudence, des infos d’ordre plus général (sociales ou financières). Bref on sort de nos dossiers, mais c’est pour mieux y rentrer enrichis par ces nouvelles infos et avec un regard plus global sur notre pratique.

Le médiateur travaille beaucoup le nez dans ses dossiers et dans l’histoire des personnes qu’il rencontre. Il est indispensable de pouvoir prendre du recul et de se maintenir au courant des pratiques et nouveautés juridiques. En ce sens, les Échos complètent bien les réunions d’informations et de rencontres organisées par le Centre d’appui. L’intérêt d’un journal est qu’on trouvera toujours le temps de le lire alors qu’on n’a pas toujours l’occasion de participer à une réunion.

Il y a le fond mais aussi la forme. Ce journal est bien équilibré : alternance entre articles plus conséquents et plus anecdotiques, des dessins humoristiques, des questions/réponses… Une couverture cartonnée, claire, avec toujours un chouette dessin coloré de Kanar. Tout cela en fait un journal très intéressant pour notre pratique professionnelle et agréable à lire.

ECE : Quo vadis?

Christophe Bedoret est vice-président du tribunal du travail de Mons et de Charleroi et membre du comité de rédaction des ECE. Depuis son entrée dans la magistrature, il se consacre à la procédure de règlement collectif de dettes, à côté des autres dossiers de sa compétence, et se passionne pour cette matière qu’il applique avec rigueur.

Dans son ouvrage « Cela devient cher d’être pauvre », paru aux éditions Stock en 2013, Martin Hirsch énonce qu’« Explorer de nouvelles voies pour agir sur la pauvreté est donc un impératif qui justifie d’emprunter des chemins escarpés, quitte à s’écarter des balises habituelles » (p. 204). Ce précepte rappelle à tous les acteurs du crédit et de l’endettement (qu’il s’agisse des intervenants sociaux, des opérateurs en matière de prêt, de logement ou d’énergie, des médiateurs de dettes, des huissiers de justice, des institutions de sécurité sociale, du secteur associatif, de l’administration, des avocats, des greffiers ou des juges), que la pauvreté demeure inacceptable dans une société qui consacre le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine (article 23 de la Constitution) et nécessite une mise en éveil permanente.

À leur niveau, les Échos du crédit et de l’endettement entendent participer à ce mouvement d’échange d’idées, en présentant des initiatives originales, en donnant la parole aux personnes concernées, en expliquant des réglementations, en commentant la jurisprudence ou encore en approfondissant certaines thématiques. Telle est la vocation des multiples rubriques de la revue (« l’épinglé », « au fait », « le dossier », « on nous écrit, on nous demande… », « flash sur la jurisprudence récente », « télex »…) qui s’offrent à lire sous des contours variés (analyse, interview, synthèse, témoignage, etc.) et qui privilégient une approche résolument pluridisciplinaire (sociale, juridique, psychologique, sociologique, etc.). Sans oublier les mots de la rédactrice en chef et les clins d’œil de Kanar. Ils vont à l’essentiel et suscitent autant le sourire que la remise en question!…

Le comité de rédaction, composé de spécialistes issus d’horizons distincts, n’est jamais en manque d’inspiration et, au final, les sujets retenus sont ceux qui sont le plus en phase avec l’actualité et ceux auxquels sont confrontés les acteurs de terrain. La revue entend en effet suivre de près toutes les évolutions au sein du secteur et répondre au mieux à toutes les interrogations, en particulier celles des médiateurs de dettes.

Un anniversaire, à l’image de celui des Échos du crédit et de ceux que fêtent ses précieux partenaires, l’Observatoire du crédit et de l’endettement, le GAS et le Centre d’appui, est un moment où l’on regarde derrière soi mais aussi devant soi. En effet, la précarisation n’est pas sur le point de s’estomper. De nombreux sujets afférents aux difficultés des personnes endettées, au traitement du surendettement ou encore au quotidien et à l’investissement des acteurs de terrain, devront être explorés. Ce n’est pas de sitôt que les Échos du crédit perdront leur raison d’être…!