Batopin: une entente entre les grandes banques sur les distributeurs de billets qui génère un effet défavorable pour les consommateurs, a conclu l’Autorité belge de la concurrence (ABC).
Il y a cinq ans, BNP Paribas Fortis, ING, Belfius et KBC-CBC, gestionnaires de près des trois quarts des distributeurs de billets du pays, décidaient de sortir ces appareils de leurs agences pour les transférer à un consortium qu’elles ont appelé Batopin (Belgian ATM Optimisation Initiative). Avec cette initiative, les quatre plus grandes banques du pays nous promettaient une meilleure répartition des distributeurs sur l’ensemble du territoire avec pour 95% des Belges une distance maximale à parcourir de 5 km (à vol d’oiseau quand même!).
Dans les faits, il est vite apparu qu’on allait surtout assister à une réduction massive du nombre d’appareils et rallonger notre temps de trajet pour accéder au cash. Alors que l’on comptait encore 5.062 distributeurs répartis dans la plupart des agences des quatre grandes banques en 2019, Batopin ne prévoyait d’en installer que 2.240 pour la fin 2024 sur un petit nombre de sites compris entre 675 et 725 pour tout le pays.
De nombreuses réactions
Le projet Batopin a généré de nombreuses réactions négatives, de la part tant des citoyens consommateurs et leurs représentants que des mandataires locaux avec l’adoption de motions par de nombreux collèges communaux. À la Chambre des représentants, l’activité a également été intense entre auditions et questions régulières de parlementaires demandant au gouvernement fédéral d’intervenir.
Ce qu’il finit par faire en signant en mars 2023 un protocole avec le secteur bancaire[1]. Malheureusement, cet accord non contraignant et rédigé en termes flous n’a pas répondu aux attentes des mandataires locaux qui sont priés de faciliter l’octroi de permis de bâtir pour l’installation des distributeurs Batopin sur la voie publique, tout en constatant la fermeture des agences bancaires dans leurs communes. Il ne satisfait pas non plus les citoyens et les organisations de la société civile, car, s’il prévoit l’ajout de 207 sites supplémentaires par rapport au projet initial de Batopin, il ne permet pas à l’ensemble de la population, notamment en Wallonie et particulièrement en province de Namur, un accès aisé à un distributeur. Les signataires de l’accord, sans doute pas très à l’aise avec les objectifs chiffrés qu’ils se sont fixés pour certaines provinces, n’ont d’ailleurs pas publié les annexes de l’accord. Un recours initié par Financité et Test Achats est actuellement pendant devant le Conseil d’État pour cause de non-publication de l’entièreté de l’accord. Cet accord prend fin à la fin de cette année. Le gouvernement Arizona a prévu de l’évaluer début 2026. En attendant, on ne sait toujours pas s’il est appliqué, car aucune information n’a été rendue publique sur sa mise en œuvre.
Un recours auprès de l’ABC
En parallèle, le projet Batopin n’a pas été sans poser quelques questions en matière de droit de la concurrence: est-ce que les quatre plus grandes banques du pays, qui sont censées se faire concurrence, ont le droit de s’entendre pour diminuer le service aux consommateurs? Ne serait-on pas face à une pratique restrictive de concurrence? C’est la question que Financité a posée à l’Autorité belge de la concurrence (l’ABC) en juin 2021.
En avril 2022, l’ABC a ouvert une instruction qui a pris fin le 24 mars 2025[2]. Sur la base d’une approche économique quantitative, l’ABC a conclu que Batopin a bien généré, dans sa conception initiale et avec la signature de l’accord du 31 mars 2023 (avec le gouvernement fédéral), un effet défavorable pour les consommateurs tant sur le paramètre de l’accessibilité aux distributeurs de billets que sur celui de la qualité des services fournis.
Pas de sanctions, mais plus de distributeurs
Compte tenu des effets négatifs de cette entente, l’ABC aurait pu prononcer des sanctions financières à l’encontre des banques mises en cause. Elle a préféré exiger de Batopin des engagements supplémentaires afin de répondre aux besoins des usagers. Batopin s’est notamment engagé à fournir 70 sites supplémentaires, soit un total de 1.040 d’ici à fin 2027. En fin de compte, ce sont plus de 50% de sites supplémentaires qui seront déployés par rapport au projet initial.
Ce long feuilleton n’est pas terminé pour autant. Il reste une dernière bataille à mener, la plus importante: convaincre le politique d’inscrire durablement l’accès aux distributeurs de billets dans la loi, car les engagements pris par Batopin vis-à-vis de l’ABC restent limités dans le temps (2030) et ne sont pas parfaits.
Anne Fily, coordinatrice de recherches à l’asbl Financité
[1] https://economie.fgov.be/sites/default/files/Files/Financial-services/accord-atm.pdf
[2] https://www.abc-bma.be/sites/default/files/content/download/files/ABC-2025-RPR-10-AUD_PUB.pdf