Garantir le paiement d’un crédit à la consommation

À peine son diplôme en poche, Johan a décroché rapidement son premier emploi. Comme sa voiture d’occasion, offerte par ses parents durant ses études, tombe de plus en plus souvent en panne, il est bien décidé à en acheter une nouvelle. Même s’il doit faire un crédit. De toute façon, les banquiers ne manqueront pas de se protéger et de lui demander des garanties.

Avant de prêter de l’argent dans le cadre d’un crédit à la consommation, tout organisme bancaire ou de crédit est obligé de contrôler la solvabilité de l’emprunteur. Il doit vérifier que l’emprunteur pourra rembourser sa dette en lui demandant tous renseignements qu´il juge nécessaires afin d´apprécier ses facultés de remboursement1.

Il doit vérifier les réponses reçues, poser, le cas échéant, de nouvelles questions ou demander des précisions, relever les erreurs et les incohérences et ensuite seulement prendre la décision d´octroi du crédit.

En français, SVP!

Un crédit à la consommation sert à financer essentiellement des besoins privés, à l’exclusion de l’acquisition ou de la rénovation d’un immeuble. Il permet l’achat de biens de consommation comme une voiture, un frigo, un téléviseur, ou sert à financer un mariage et parfois le voyage de noces autour du monde, etc. Il peut prendre différentes formes : prêt à tempérament, vente à tempérament, ouverture de crédit, etc.

Le prêteur doit s’informer

Professionnel du crédit, le prêteur ou l´intermédiaire sait ou doit savoir quelles sont les informations qui lui sont nécessaires. Il doit donc interroger adéquatement l’emprunteur.

La loi met à charge du professionnel une véritable obligation de s´informer. De son côté, l’emprunteur doit fournir au prêteur ou à l´intermédiaire de crédit une réponse exacte et complète à toutes les questions qu’il lui pose.

Les informations que le prêteur ou l´intermédiaire doit recueillir auprès de l’emprunteur via un formulaire d´enquête sont :

les données d’identification (nom, prénom, adresse, date de naissance, etc.);

les revenus constants et occasionnels;

les charges (loyer, obligations alimentaires, autres crédits, etc.);

la composition de son ménage;

les dettes.

Le prêteur doit également consulter les données enregistrées à la Centrale des crédits aux particuliers2.

En outre, le prêteur ou l´intermédiaire de crédit a l´obligation de rechercher le type de crédit le mieux adapté aux besoins de l’emprunteur3.

Si, par la suite, les difficultés de paiement étaient dues à une mauvaise évaluation de la situation financière car le prêteur ou l´intermédiaire de crédit n´aurait pas rempli ses obligations, l’emprunteur pourrait se tourner vers le juge de paix. Celui-ci peut alors :

– soit dispenser l’emprunteur de tout ou partie des intérêts de retard;

– soit réduire ses obligations au prix au comptant du bien, ou au montant emprunté.

Le prêteur se garantit

En plus des renseignements glanés sur la solvabilité de l’emprunteur, l’organisme bancaire ou de crédit va généralement exiger une sécurité supplémentaire sous forme de garantie qui peut provenir de l’emprunteur lui-même ou de tiers (famille, amis, etc.). Ces garanties ou sûretés sécurisent dans une certaine mesure le prêteur pour le cas où l’emprunteur ne pourrait plus rembourser son prêt. Elles peuvent prendre la forme de sûretés réelles qui offrent au prêteur un droit sur un bien en lui permettant d’obtenir le paiement de sa créance sur le produit de la vente de ce bien. Les plus connues en matière de crédit à la consommation sont la cession de rémunération et la clause de réserve de propriété.

Le prêteur peut également demander une sûreté personnelle. Dans ce cas, une personne se porte garante du remboursement du crédit dette si le débiteur principal ne la rembourse plus. On appelle couramment cette personne caution ou aval.

– La cession de rémunération

Au moment de conclure le contrat, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit soumet à l’emprunteur toute une série de documents à signer. Parmi ceux-ci figure quasi automatiquement une cession de rémunération4. C’est une convention par laquelle l’emprunteur cède au prêteur la partie saisissable de son salaire5, pour le cas où il ne respecte pas ses engagements.

En cas de défaut de paiement, le prêteur peut se prévaloir de la cession de salaire6, sans devoir recourir à une procédure de saisie.

La cession de rémunération doit être consentie par contrat séparé. La clause par laquelle l’emprunteur cède sa rémunération à l´organisme de crédit ne peut pas apparaître dans le contrat principal. Deux documents séparés doivent être signés.

Le but de la réglementation est d´attirer l’attention de l’emprunteur. Il ne s´agit donc pas d’une clause écrite en tout petit et noyée parmi d´autres.

Procédure spécifique

La mise en œuvre de la cession de rémunération doit être portée à la connaissance de l’emprunteur par une procédure spécifique :

le prêteur fait connaître par une lettre recommandée ou par exploit d’huissier, son intention de mettre en œuvre la cession;

l’emprunteur dispose alors d’un délai de 10 jours pour s’y opposer, par lettre recommandée (un courrier simple, un mail ou un courrier interne rendent l´opposition nulle). Ce délai de 10 jours n´étant pas prescrit à peine de déchéance, l´opposition pourra toujours avoir lieu après les 10 jours mais ne sera valable que pour le futur. L’opposition est suspensive;

le débiteur de revenus de l’emprunteur (employeur, syndicat, CAPAC, etc.) doit dans ce cas demander au juge de paix l’autorisation de poursuivre l’exécution de la cession. L’intérêt d´une opposition pour l’emprunteur est de pouvoir demander au juge de paix des délais de paiement, de contester la dette ou de récupérer la quotité saisissable pour négocier avec d´autres créanciers éventuels.

Et en cas de RCD ?

Dès que le juge du tribunal du travail accepte la demande de règlement collectif de dettes, plus aucune cession de rémunération ne peut être pratiquée par le prêteur7. Si une cession a déjà été lancée au moment de la décision d’admissibilité, elle est suspendue.

Cependant, la dénonciation d’un contrat de crédit, c’est-à-dire la décision du prêteur d’y mettre fin anticipativement, peut intervenir même après que le juge a accepté la demande de règlement collectif. Encore faut-il que l’emprunteur soit en défaut de paiement de deux échéances ou de 20 % du montant à rembourser, et qu’il n´ait pas réagi à la mise en demeure envoyée par le prêteur8.

– La clause de réserve de propriété

Lorsque le crédit à la consommation sert directement à acquérir un bien comme un financement auto, l’organisme bancaire ou de crédit va prévoir dans son contrat une clause de réserve de propriété. Par conséquent, si l’emprunteur ne paie plus les mensualités de son crédit, le prêteur va pouvoir reprendre le véhicule qu’il a financé.

Mais attention, la loi sur le crédit à la consommation fixe certaines conditions à la mise en œuvre de la clause de réserve de propriété lorsque 40 % du prix au comptant du bien financé ont déjà été remboursés par l’emprunteur9. Dans ce cas, pour récupérer le véhicule, le prêteur doit obligatoirement passer par trois étapes :

mise en demeure de l’emprunteur en retard de paiement par une lettre recommandée;

après cette mise en demeure de lui restituer le bien, le prêteur doit obtenir l’accord écrit de l’emprunteur;

si l’emprunteur ne réagit pas ou ne donne pas son accord, le prêteur doit obtenir l’autorisation de reprendre le véhicule auprès du juge de paix.

Une fois que le bien a été restitué au prêteur, celui-ci va rapidement le revendre. Dans les 30 jours de la vente, il doit informer l’emprunteur, du prix auquel le véhicule a été revendu.

En cas de non-respect de ces formalités, l’emprunteur peut demander la résolution du contrat de crédit10. Cela implique pour le prêteur de rembourser la totalité des sommes versées au cours des trente derniers jours.

Et en cas de RCD ?

La clause de réserve de propriété ne peut plus sortir ses effets dès que l’emprunteur a été admis en règlement collectif de dettes. Pourtant, dans la pratique, de nombreux organismes bancaires ou de crédit tentent systématiquement de récupérer le véhicule du médié. Ils fondent leur demande sur la loi relative aux faillites qui, contrairement à celle du règlement collectif de dettes, les y autorise11. Ils n’en ont pas le droit. En effet, dans un arrêt du 7 mai 2010, la Cour de cassation a rejeté cette thèse. Elle a précisé qu’il n’existe aucun principe général de droit sur la base duquel une réserve de propriété serait opposable en cas de concours des créanciers dans le cadre du règlement collectif de dettes.

– La caution réelle

La garantie du remboursement du crédit à la consommation peut également être donnée par un tiers (ami, famille, etc.) sur un de ses biens déterminés. On parle alors de mise en gage d’un bien mobilier. C’est une caution réelle qui n’affecte pas l’ensemble du patrimoine du tiers mais spécifiquement un ou plusieurs de ses biens. Si l’emprunteur ne rembourse pas, le prêteur peut faire vendre le bien mis en garantie par le tiers et utiliser le prix de vente pour se rembourser. Si le prix obtenu lors de la vente du bien est insuffisant pour rembourser le prêteur, celui-ci ne peut pas demander au tiers de payer plus, car sa garantie est limitée à la valeur du bien.

Caution à certaines conditions

Plus généralement, la garantie demandée est une sûreté personnelle, c’est-à-dire une caution12. Dans ce cas, le risque pris par le tiers est très important puisque le prêteur peut exiger de lui qu’il rembourse toute la partie non remboursée du crédit et faire vendre tous ses biens pour obtenir ce remboursement.

Comme l’engagement pris par la caution est risqué, plusieurs mesures de protection de la caution ont été prévues13 :

le contrat de caution doit être séparé du contrat de crédit afin de mieux attirer l’attention de la caution sur l’importance de son engagement;

le contrat de caution doit comporter plusieurs mentions précises : la durée du contrat de crédit et la durée de la garantie qui ne peut être supérieure à cinq ans, si le contrat de crédit est conclu pour une période indéterminée. Un renouvellement n’est possible que si la personne qui se porte garante marque son accord. Le montant à concurrence duquel la garantie est donnée doit également être précisé;

la caution doit écrire à la main la mention suivante « en me portant caution de… dans la limite de la somme de… (en chiffres) couvrant le paiement du principal et en intérêts pour une durée de… je m’engage à rembourser au créancier de… les sommes dues sur mes biens et sur mes revenus si, et dans la mesure où… n’y satisfait pas lui-même »;

les intérêts qui devront être payés par la caution sont limités : le montant total des intérêts à payer par la caution ne peut être supérieur à 50 % du montant principal;

si lors de la conclusion du contrat de caution, le montant de l’engagement est manifestement disproportionné par rapport aux biens meubles et immeubles et aux revenus de la caution, le contrat est nul.

Une caution informée

Avant d’obtenir la garantie, le prêteur a, tout comme il l’a pour l’emprunteur, l’obligation de s’informer sur la situation financière de la personne qui se porte garante.

Le prêteur doit également lui donner des informations (durée de l’engagement, montant garanti, etc.). Par contre, il ne doit pas informer la caution de la situation financière de l’emprunteur. C’est à la caution de se renseigner sur la situation de l’emprunteur dont il va garantir les engagements envers le prêteur.

Pendant la durée du contrat de crédit, le prêteur doit informer la caution :

de toute modification apportée au contrat de crédit;

du non-paiement par l’emprunteur de deux échéances ou d’au moins 1/5 du montant total à rembourser;

des facilités de paiement accordées à l’emprunteur;

au moins une fois par an, de l’évolution de la dette garantie et lui indiquer si l’emprunteur respecte ses obligations.

Toute communication à l’emprunteur doit également être envoyée en même temps et dans les mêmes formes à la caution.

Intervention de la caution

Si l’emprunteur ne rembourse pas le prêteur, celui-ci peut demander à la caution d’intervenir. Pour cela, il faut que :

l’emprunteur n’ait pas payé au moins deux échéances ou au moins 1/5 du montant total à rembourser ou de la dernière échéance;

le prêteur ait mis en demeure par lettre recommandée à la poste l’emprunteur de payer les sommes dues;

l’emprunteur n’ait pas payé les sommes dues dans un délai d’un mois après le dépôt à la poste de la lettre recommandée de mise en demeure.

La caution qui est intervenue à la place de l’emprunteur peut se retourner contre ce dernier et lui demander de rembourser les montants payés. Même si la caution risque dans la plupart des cas de se retrouver face à un emprunteur insolvable.

Et en cas de RCD ?

La caution qui s’est engagée à titre gratuit, c’est-à-dire sans aucun avantage économique pour elle, peut demander à être déchargée, en tout ou en partie, de la garantie une fois que l’emprunteur a été admis en règlement collectif de dettes14.

La caution doit apporter la preuve que l’engagement qu’elle a pris est disproportionné par rapport à son patrimoine et à ses revenus.

C’est au tribunal du travail de décider si la décharge doit être accordée ou non à la personne qui a donné, à titre gratuit, sa sûreté personnelle.

Et pour Johan ?

Aucune chance pour que Johan échappe aux garanties généralement demandées par les organismes bancaires ou de crédit : cession de rémunération et réserve de propriété sur la voiture qu’il souhaite acheter. En outre, vu son jeune âge et sa situation professionnelle assez récente, il y a de fortes chances pour qu’on lui demande de trouver une caution, ses parents, par exemple. Avant de s’engager, ces derniers devront être vigilants, car « cette simple signature » peut avoir de graves conséquences si Johan ne parvient plus à rembourser les mensualités de son crédit.

Olivier Beaujean,

juriste à l’asbl Droits Quotidiens

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1 Article 10 de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation
2 Article 17 de la loi relative au crédit à la consommation (LCC)
3 Article 15 de la LCC
4 Article 37 LCC
5 Articles 1410 et s. du Code judiciaire
6 Articles 27 à 35 de la loi du 12 avril 1965 relative à la protection de la rémunération des travailleurs
7 Article 1675/7 §2, al. 1 et 2 du Code judiciaire
8 Article 29-1° LCC
9 Article 33bis LCC
10 Article 98 LCC
11 Article 101 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites
12 Articles 2011 à 2043octies du Code civil
13 Articles 34 à 36 LCC
14 Article 1675/16 bis du Code judiciaire.