Les personnes âgées, exclues des banques ?

Chaque année, le réseau Financité, qui a pour objectif de promouvoir et d’analyser la finance responsable et solidaire, publie un rapport sur l’inclusion financière en Belgique. Cette année, elle consacre un chapitre spécifique aux personnes âgées à l’ère du numérique.

On en parle de plus en plus: la fracture numérique est flagrante pour certaines catégories de population qui, face à toute une série de démarches administratives et commerciales, se retrouvent complètement dépassées. C’est le cas du secteur bancaire où l’ensemble des clients sont «invités» à passer à la banque digitale et à la dématérialisation des paiements. Les banques se disent en effet obligées de passer au tout numérique, faute d’être dépassées ou encore poussées par la clientèle, mais d’aucuns y voient plutôt une marche forcée qui fait de la casse sociale au sein du personnel de ce secteur. Plus grave encore, au sein de la population, un certain nombre de personnes ne disposent pas des capacités matérielles, techniques et cognitives pour effectuer l’ensemble de leurs opérations bancaires via PC, tablette ou smartphone. Et parmi elles, un nombre certain de personnes âgées. Pourtant, en Belgique, 2,163 millions de personnes ont de plus de 65 ans, soit 19% de la population totale et 24,4% de la population adulte. Le nombre de personnes de plus de 80 ans est de 545.000, soit 5,6% de la population totale et 7,29% de la population adulte.

Des témoignages qui convergent

Dans un rapport sur l’inclusion bancaire, Financité souligne que les difficultés cognitives et physiques sont un obstacle en termes d’adaptation pour les personnes âgées, avec une inclusion financière moindre en raison du manque d’équipement et du faible niveau d’alphabétisation numérique de ce public. Le tout au numérique qui s’accompagne d’une fermeture des agences et d’une raréfaction des distributeurs de billets mènerait un nombre significatif de personnes âgées au décrochage bancaire et surtout à une perte d’autonomie.

Pour vérifier ce postulat, le réseau a réalisé un appel à témoignages diffusé via Financité Hebdoet relayé par l’hebdomadaire En Marche. Et sur toute une série de questions relatives à l’accès bancaire pour les personnes âgées, les prises de parole sont éloquentes. En voici deux exemples parlants:

  1. 88 ans, Berchem-Sainte-Agathe (témoignage de sa fille): «Le consommateur demande du numérique? C’est faux, on nous a forcé la main. Notre mère est parfaitement autonome dans le reste de sa vie. Cette perte d’autonomie est forcée car on a enlevé des services.»
  2. 82 ans:«J’ai l’impression d’être devenue trop bête pour faire les choses. […] Je suis très fâchée contre les banques. Elles ne pensent pas aux personnes âgées. Elles nous laissent tomber alors qu’on a mis notre argent chez elles toute notre vie.»

Des décisions d’en haut

La raréfaction des agences locales, des distributeurs de billets ou d’extraits de compte a provoqué en Belgique des réactions des organisations de consommateurs, des auditions se sont déroulées au parlement fédéral durant le dernier trimestre 2019. Si Febelfin, la Fédération belge des banques, a mis sur pied un groupe de travail interbancaire pour «maintenir un maillage correct» et si la création d’une plateforme commune de distributeurs de billets est discutée par quatre grandes banques actives en Belgique, certains pays comme la Suède ont pris des décisions nettement plus radicales pour contrer la prétendue demande des particuliers à toujours plus de numérique. Depuis le 1er janvier 2020, une nouvelle loi est entrée en vigueur sur l’«obligation des institutions de crédit de fournir des services en argent liquide». Les Suédois doivent pouvoir retirer de l’argent liquide – et en déposer pour les entreprises – dans un rayon de 25 km autour de leur domicile (à la mesure de la taille du pays). Le ministre suédois des Marchés financiers évoque la nécessité de protéger les plus vulnérables et de permettre à chacun de choisir ses moyens de paiement.

Dans le rapport de Financité, il est également question des coûts de plus en plus élevés des services bancaires, notamment pour les personnes âgées eu égard à leurs besoins spécifiques ou encore du manque d’information sur l’existence d’un service bancaire de base.

Nathalie Cobbaut

Pour en savoir plus: https://www.financite.be/sites/default/files/references/files/rif_2019_-_pdf.pdf