Les tuteurs énergie, pour faire baisser la facture

Depuis 2009, des tuteurs énergie œuvrent dans les CPAS wallons afin d’aider les ménages en difficulté financière à réduire leurs dépenses énergétiques. Au-delà des aides déjà assumées par les CPAS (octroi d’aides financières, aide à l’obtention de primes ou encadrement du statut de client protégé,…), les tuteurs ont pour mission d’accompagner de manière individuelle les personnes à la recherche de solutions concrètes pour améliorer l’état de leur logement et faire baisser leurs factures d’énergie. Ou parfois l’augmenter.

Yves Collard est tuteur énergie auprès du CPAS de Namur. Agronome de formation, il travaille au sein d’une équipe de quatre personnes qui constituent la cellule énergie du CPAS. La porte d’entrée de ses interventions : les factures d’énergie qui sont traitées dans le cadre de l’aide individuelle. « En tant que tuteur j’interviens en deuxième intention, une fois que les travailleurs sociaux ont examiné les factures énergie dans le cadre d’un dossier de demande d’aide ou de prise en charge. Bien souvent ces factures sont assez élevées et en tout cas beaucoup trop importantes au regard des rentrées financières des personnes. Dans un premier temps, les travailleurs sociaux examinent si la personne entre dans les conditions du tarif social et si ce dernier est bien appliqué. À ce propos, trop peu d’avocats médiateurs sont au courant que le tarif social est applicable aux personnes en médiation de dettes ou en RCD. C’est aussi le cas pour les personnes en guidance budgétaire. Autre intervention : en cas de défaut de paiement, contact est pris avec les fournisseurs. Au-delà d’une éventuelle aide financière, sur la base de tous ces éléments, on envisage une visite pour trouver des solutions pratiques, techniques pour faire baisser ces factures. Il arrive parfois qu’on soit confronté à une sous-consommation d’énergie par des ménages qui, faute de moyens, serrent la ceinture de leurs radiateurs. Cela peut s’avérer aussi problématique car cela peut rejaillir sur la santé notamment. »

Enfin certains ménages s’adressent spontanément au CPAS pour demander des conseils en matière énergétique : le tuteur énergie intervient alors, à condition qu’ils soient dans les conditions de revenus pour bénéficier de cette aide (soit le montant du revenu d’intégration sociale + 20 %).

Quels constats lors des visites?

Les constats de terrain effectués lors des visites de logement mènent souvent aux mêmes conclusions : selon Yves Collard, « les logements occupés par les ménages en difficulté sont très peu performants sur le plan énergétique, mal isolés, mal chauffés, avec de mauvais châssis, ce qui fait flamber les charges. Il faut donc essayer d’y remédier, mais ce n’est pas évident car cela nécessite généralement des travaux d’une certaine ampleur et les propriétaires – les personnes concernées sont le plus souvent locataires – ne sont pas très enclins à investir dans les logements qu’ils louent : quand il faudrait changer une chaudière ou isoler un toit, ils rechignent, préfèrent attendre. Parfois aussi, ils n’ont pas touché leurs loyers depuis plusieurs mois et ne sont dès lors pas très disposés à intervenir. Sur le plan des comportements, même si les gens sont de plus en plus au courant des bonnes pratiques en matière d’utilisation rationnelle de l’énergie, il y a encore beaucoup d’erreurs comme le fait d’oublier de mettre la chaudière en position été ou d’enlever la position super-réfrigérante d’un congélateur. Certains ménages n’ont pas le réflexe de baisser le chauffage la nuit. On traque aussi les consommations cachées des appareils en veille… ».

À la suite de chaque visite, qui dure souvent deux, trois heures, un rapport est dressé. Tous les constats de terrain y sont consignés, ainsi que les pistes d’amélioration. La demande d’une prime MEBAR pour certains travaux, la fourniture de petit matériel pour juguler les déperditions de chaleur… : comme l’explique Yves Collard, « j’effectue toutes les visites avec une collègue qui assure le suivi social du ménage ou de la personne ainsi visitée, après notre passage. Car il ne suffit pas de dresser les constats, il faut aussi attirer l’attention régulièrement sur les comportements à adopter, sur l’amélioration du logement, le suivi des index pour évaluer les efforts consentis. La comparaison des tarifs et le changement de fournisseurs sont des questions qu’il faut également aborder et ce n’est pas évident car les gens sont mal informés et pensent qu’il est difficile d’effectuer ce changement, craignent des coupures. L’utilisation des compteurs à budget est également un point d’attention dans ce suivi. La fourniture de petit matériel fait aussi partie de l’aide que l’on peut apporter aux personnes, comme des ampoules économiques, des tentures quand les châssis sont vétustes, des panneaux de douche pour favoriser cette pratique plutôt que les bains. »

À côté de cet accompagnement individuel, la cellule énergie organise des actions plus collectives qui permettent aux personnes suivies de se retrouver en groupe pour faire la « Traque aux énergivores ». Des stages sont également proposés aux enfants sur l’utilisation rationnelle de l’énergie. Une autre manière de conscientiser aux gestes adéquats en la matière.

Une mission d’encadrement

Le dispositif mis en place par les ministres wallons de l’Action sociale, de l’Emploi et de l’Énergie ne concerne pas tous les CPAS : seuls ceux qui ont répondu à l’appel à projets bénéficient de ce dispositif qui fait l’objet d’un encadrement spécifique, pris en charge par Sabine Wernerus, de la Fédération des CPAS wallons, auprès de l’UVCW. Cette dernière a pour mission d’outiller, de former et de prévoir des moments d’échanges pour les tuteurs énergie. « J’organise régulièrement des plates-formes de rencontres pour l’ensemble des tuteurs, auxquelles sont conviés des intervenants extérieurs. Je suis également amenée à mettre en œuvre des formations techniques et psychosociales afin d’aider les tuteurs énergie dans leur mission d’accompagnement du public. En effet, le profil des tuteurs énergie est assez varié : certains sont plutôt des techniciens, d’autres ont un profil davantage tourné vers le social. Donc les formations doivent répondre aux besoins des uns et des autres. »

Autre mission de Sabine Wernerus : l’organisation avec l’administration des différents appels à candidatures pour la création de nouveaux postes de tuteurs énergie. « Actuellement 55 CPAS sont concernés par ce dispositif sur les 262 CPAS que compte la Wallonie et 44 équivalents temps pleins sont actifs. Nous aimerions évidemment que l’ensemble des CPAS wallons soit concerné. L’an dernier, ce sont 5.542 ménages précarisés qui ont fait l’objet d’une ou de plusieurs interventions d’un tuteur énergie. Un résultat qui montre bien tout l’intérêt d’un tel accompagnement. »

Outre son caractère parcellaire, le dispositif « Tuteurs énergie » n’est pas non plus pérenne : créés et subventionnés sous la forme de points APE, les postes de tuteurs sont financés jusqu’au 31 décembre 2014. « Au-delà, ce sera au gouvernement wallon nouvellement formé qui devra se prononcer sur le maintien du dispositif. Vu le succès et les résultats engrangés, on fera tout pour qu’il soit reconduit. »

N.C.

Petite leçon d’énergie pour travailleurs sociaux bruxellois

Bruxelles-Environnement propose des formations-débats pour les travailleurs sociaux sur l’énergie et les ménages fragilisés en Région de Bruxelles-Capitale. Le but du cycle de base, qui se décline en quatre modules : familiariser les travailleurs sociaux sur les questions de libéralisation des marchés de l’énergie et les mesures de protection des consommateurs, à propos de la guidance sociale énergétique et de la méthodologie à mettre en œuvre à cet égard, en matière d’utilisation rationnelle de l’énergie et concernant les aspects structurels en matière de bâtiments. Organisée depuis 2009, cette formation s’est enrichie d’un cycle avancé sous forme d’ateliers au cours desquels des thématiques plus pointues sont abordées, comme la compréhension des factures, les décomptes de charges ou encore les aides financières, primes et autres financements. Tant dans le cycle de base que dans le programme avancé, une partie de la formation porte sur des informations de fond, l’autre pan étant consacré à des échanges de bonnes pratiques et au partage d’expériences.

La formation attire naturellement de nombreux travailleurs des CPAS, mais aussi des travailleurs sociaux d’agences immobilières sociales (AIS), d’associations actives sur les questions d’énergie. À chaque édition, ce sont près d’une centaine de participants qui ont ainsi suivi ces formations destinées à permettre aux travailleurs sociaux d’aider adéquatement les ménages en précarité énergétique.

Pour plus d’infos : www.bruxellesenvironnement.be. Le prochain cycle aura lieu en novembre/décembre 2013. La participation à cette formation est gratuite. Seule condition pour la participation au cycle avancé : avoir suivi le cycle de base ou avoir une pratique professionnelle dans le domaine de l’énergie.