Médiation de dettes et logiciels ad hoc

La gestion d’un dossier de médiation de dettes implique l’utilisation d’outils pour le suivi du bénéficiaire. Parmi ces outils, il existe des logiciels spécifiquement dédiés au travail du médiateur de dettes. Actuellement, deux sociétés (Logicalsys et Civadis) commercialisent un logiciel spécifique pour la médiation de dettes.

En 2017, la Direction Générale Opérationnelle des Pouvoirs locaux, de l’Action sociale et de la Santé (DGO5)avait mené une enquête concernant l’informatisation des SMD, avec un taux de participation de 84%. Moins d’un service répondant sur deux possédait un logiciel spécifique à la médiation de dettes. Les logiciels de deux sociétés étaient les plus largement utilisés: 49% des répondants équipés utilisaient le produit de Logicalsys et 33% celui de Civadis. Les autres répondants mentionnaient des programmes créés en interne ou d’autres outils tels que LINO, Mediadette, Maestro[1]. Cependant, disposer d’un logiciel ne suffit pas, il s’agit aussi de le maîtriser. À cet égard, les réponses à l’enquête étaient contrastées. Les répondants étaient invités à estimer leur maîtrise du logiciel sur une échelle de 1 à 5 (1 = très mauvaise/5 = très bonne). Près d’un quart des répondants l’évaluaient entre 1 et 2.

Les principales raisons pour lesquelles certaines institutions n’en disposent pas sont doubles: leur coût d’achat et de mises à jour, d’une part, et le temps, la formation et le coût nécessaires à l’intégration de tous les dossiers en cours dans un nouvel outil, d’autre part.

Logiciels et reporting

Ces outils informatiques, lorsqu’ils sont bien conçus et qu’ils sont maîtrisés par leurs utilisateurs, facilitent le travail du médiateur en lui faisant notamment gagner un temps précieux (centralisation des dossiers, pré-encodage des courriers types…). Un autre avantage à cette utilisation est le reporting, c’est-à-dire la génération de statistiques sur l’activité du service et sur les bénéficiaires. Cela peut s’avérer utile lorsqu’il s’agit de rédiger un rapport d’activité, de présenter l’activité du service à sa hiérarchie, de répondre aux questions de l’administration, de préparer une inspection ou encore de répondre à des enquêtes telles que celle réalisée tous les ans par l’Observatoire dans le cadre de ses missions pour la Région wallonne afin de dresser le profil des personnes en médiation de dettes. En effet, en deux ou trois clics, les données nécessaires à ces différentes tâches sont générées anonymement par le logiciel.

Toutefois, pour un reporting de qualité, les données encodées doivent être actualisées et complètes. Or, au quotidien, certains services combinent ces logiciels et des fichiers Word/Excel ou encore des dossiers papier. Le dossier n’est pas donc complètement encodé dans le logiciel et des données importantes se trouvent ailleurs. En outre, d’autres services utilisent leur logiciel lors du premier entretien avec le bénéficiaire puis basculent vers d’autres systèmes (dossiers papier ou Word/Excel). Les données ne sont donc pas actualisées dans le logiciel en cours de processus de médiation. Elles sont dès lors inutilisables dans le cadre d’un reporting régulier.

Logiciels et crise sanitaire

L’Observatoire plaide de longue date pour une meilleure informatisation des services et une uniformisation des outils utilisés, permettant notamment un monitorage du profil des personnes qui sollicitent les SMD et l’adaptation des politiques de prévention et de traitement du surendettement.

Avant la crise sanitaire, les résistances étaient encore nombreuses, notamment en raison du coût de cet équipement. Toutefois, le confinement engendré par la crise a contraint les SMD à travailler à bureau fermé ou à télétravailler. Outre les difficultés liées à la communication avec les bénéficiaires, l’accès aux dossiers pour les médiateurs n’étant pas en permanence au bureau a posé problème. Certains d’entre eux ont donc changé d’avis sur cette opportunité.

L’utilisation d’un logiciel a-t-elle facilité le quotidien des médiateurs confinés? Oui, car il a permis de poursuivre le travail en restant à son domicile et en ayant accès à toutes les informations nécessaires à distance. Toutefois, l’accès au logiciel à distance a posé problème. En effet, dans certains services, l’accès au logiciel n’est pas autorisé en dehors des murs du SMD, comme le souligne cette médiatrice:

«Notre service a un accès uniquement à distance à sa ligne téléphonique et à la boîte mail, mais pas d’accès à notre base de données Medius. […]Très dommageable et nous obligeant à revenir au bureau et perdre en termes d’efficacité et de réactivité. Le fait de ne pas accéder à Medius, véritable ressource de nos dossiers, ne nous permet pas d’être réactifs et performants comme on le serait au bureau.»

Une des raisons à ce non-accès est le respect du règlement général sur la protection des données (RGPD). Les questions relatives au RGPD conduiraient certains directeurs de CPAS et d’asbl à refuser l’accès à distance aux données personnelles des bénéficiaires.

Caroline Jeanmart,
sociologue et directrice de l’Observatoire du crédit et de l’endettement

[1]Direction de l’Action sociale, «Enquête sur l’informatisation des services de médiation de dettes. Analyse des données obtenues».