RCD Attention, jurisprudence fraîche! (juillet-août-septembre 2020)

Voici une nouvelle livraison de décisions de justice ayant trait au règlement collectif de dettes (RCD), que nous avons sélectionnées afin d’éclairer les dernières tendances jurisprudentielles. Ces décisions ont été rassemblées avec le concours des greffes et de différents relais, comme les syndics de médiateurs de dettes, et présentées au comité de rédaction de la revue pour sélection. En voici la recension.

 

Tribunal du travail du Brabant wallon, div. Nivelles, 6 janvier 2020, RG 13/13/B

Règlement collectif de dettes – Associé commanditaire – Faillite société – Faillite en personne physique – Superposition des procédures – Compétence matérielle – Priorité à la procédure de faillite – Clôture – Solde du compte de médiation

Le requérant est admis en règlement collectif de dettes en date du 21 janvier 2013. Suite à un aveu de faillite pour une société dont il était associé commanditaire et solidairement responsable, ce dernier est déclaré en faillite par un jugement du 12 février 2018 (le présent jugement ne précise pas quand et comment cette société a été créée!). Constatant l’impossibilité de maintenir en parallèle deux procédures entraînant dessaisissement et concours, il est souligné qu’en refusant l’accès du règlement collectif de dettes aux commerçants (notion désormais élargie à celle d’entreprise), le législateur semble avoir accordé la priorité à la procédure en faillite. Pour ces motifs, le tribunal prend la décision de mettre fin à la procédure en règlement collectif de dettes afin de permettre à la procédure en faillite de se poursuivre.

Il est ensuite statué sur le sort à réserver au solde du compte de médiation. Le tribunal rappelle que l’application du principe du dessaisissement de plein droit du failli est limité aux seuls biens, montants et revenus existant au jour du jugement déclaratif de la faillite.

Dans le cas d’espèce, il est souligné que le seul actif existant au jour de la faillite est le compte de médiation ouvert au nom de monsieur.

Par conséquent, les fonds subsistants sur le compte de la médiation doivent être transférés sur le compte de la curatelle, après déduction de l’état d’honoraires du médiateur.

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Tribunal du travail de Liège, div. Verviers, 24 février 2020, RG 17/311/B

Absence de part contributive – Absence de procédure – Injonction du juge – Action judiciaire – Introduction – Délai de trois mois – Contrôle du médiateur de dettes – Véhicule – Vente des meubles – Absence d’intérêt – Absence de réalisation

Le médiateur dispose d’un montant mensuel de 300 euros pour le remboursement des créanciers et honoraires. Il envisage d’établir un projet de plan d’une durée de six ans (pour un endettement fixé à 52.504,96 euros). Toutefois, il dépose une demande de fixation afin que le tribunal examine deux questions: l’absence de part contributive pour l’enfant de la requérante et la réalisation ou non de son véhicule.

Concernant la première question, il est donc constaté que madame ne perçoit pas de part contributive. Aucune procédure dans ce sens n’a été introduite. Quant à la proposition récente du père de verser un montant de 50 euros, elle se doit d’être jugée largement insuffisante au vu des études universitaires poursuivies par l’enfant. Par conséquent, afin d’obtenir une juste contribution et de pouvoir augmenter la capacité de remboursement de madame, le tribunal ordonne que celle-ci introduise une procédure en vue d’obtenir une part contributive pour sa fille endéans les trois mois du présent jugement. Il est également prévu que le médiateur informe le tribunal de l’introduction ou non de la procédure.

Concernant la possible vente du véhicule datant de 2012 et évalué à 6.739 euros, le tribunal estime qu’il n’est pas intéressant de l’aliéner compte tenu des frais engendrés par l’achat d’une autre voiture, véhicule indispensable pour le travail de madame et la scolarité de sa fille.

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Tribunal du travail de Liège, div. Huy, 14 février 2020, RG 16/259/B

Couple – Séparation – Liquidation partage – Immeuble commun – Vente de l’immeuble – Sortie d’indivision – Refus de la part de la co-propriétaire – Absence de proposition – Intérêts des créanciers – Article 1675/14 bis CJ – Demande du médiateur de dettes – Autorisation du tribunal – Ordre de vendre l’immeuble – Désignation du notaire

Les requérants ont été admis en règlement collectif de dettes en date du 1er décembre 2016. En cours de procédure, leur divorce est prononcé en mars 2019.

Le médiateur de dettes doit faire face à des difficultés concernant le sort à réserver à l’immeuble commun des requérants.

Madame est bénéficiaire du RIS au taux isolé. Elle vit dans l’immeuble commun, mais se trouve dans l’impossibilité de payer la mensualité hypothécaire de sorte que celle-ci, avec l’accord du tribunal, est payée par le compte de la médiation. Depuis la séparation, ce compte est uniquement alimenté par monsieur. Il est à noter que l’autorisation de vendre cet immeuble a été sollicitée par monsieur lors de la procédure en divorce. Mais madame a toujours refusé cette solution invoquant le fait qu’elle voulait racheter ledit immeuble.

Or le médiateur souligne que, depuis un an, à dater du jugement de divorce, aucune proposition concrète de rachat n’a été transmise par madame. Celle-ci toutefois continue à s’opposer à cette vente invoquant une possible aide familiale, le refus des banques en raison de son règlement collectif de dettes ou encore le décompte devant intervenir dans le cadre de la liquidation partage, compte tenu de fonds propres investis dans l’achat de l’immeuble.

En accord avec monsieur, le médiateur sollicite l’autorisation du tribunal de pouvoir mettre en vente l’immeuble et de pouvoir sortir de l’indivision. Il est souligné que la vente envisagée permettrait d’apurer la totalité des créances reprises dans le règlement collectif de dettes. Par conséquent, elle s’avère non seulement favorable aux intérêts des créanciers, mais permettrait également tant à monsieur qu’à madame de payer leurs dettes et de rétablir ou d’améliorer leur situation financière respective. Le tribunal estime en outre que, même si madame désapprouve la vente, le fait qu’elle souhaite racheter l’immeuble, impliquant par conséquent la vente de celui-ci, permet de déduire une forme d’accord pour cette solution.

Dans ces conditions, le tribunal considère qu’il convient d’accorder au médiateur l’autorisation de vendre l’immeuble. Toutefois, compte tenu des désaccords persistants concernant les possibilités de rachat et l’existence de créances mutuelles dues dans le cadre de la liquidation partage, le tribunal estime qu’il y a lieu:

–            de désigner un notaire chargé de l’estimation de l’immeuble et de la mise en vente de celui-ci, dans le cadre d’une vente de gré à gré durant un délai de quatre mois afin de permettre à madame, le cas échéant, de participer à la vente;

–            d’imposer à monsieur et à madame de déposer dans le mois, au notaire en charge de la liquidation matrimoniale, les éléments de preuve permettant d’identifier les créances dues mutuellement.

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Tribunal du travail du Hainaut, div. Mons, 7 janvier 2020, RG 17/587/B

Déclaration de créance – Rappel du médiateur de dettes – Formalités – Notification – Nullité – Minorité

La problématique soulevée par le médiateur de dettes devant le tribunal concerne le sort à réserver à une déclaration de créance dont la prise en compte ou non dans le plan de règlement amiable est déterminante en raison de l’importance de son montant.

Le médiateur est d’avis que la créancière doit être déchue en application de l’article 1675/9, §3 du Code judiciaire, sa déclaration ayant été transmise hors délai. Après avoir rappelé les principes en vigueur, le tribunal constate que le rappel, transmis à la créancière et réceptionné par cette dernière le 3 janvier 2018, ne reprend pas explicitement la mention obligatoire du délai de 15 jours endéans lequel la déclaration de créance doit être faite mais se contente d’un renvoi à la disposition légale applicable. Le tribunal rappelle qu’en l’absence de la mention du délai de 15 jours, la déclaration n’est plus soumise à un quelconque délai mais peut intervenir à tout moment. Il est dès lors admis que la déclaration de créance faite par l’avocat de la créancière (en date du 20 février 2018) ne peut être considérée comme hors délai, mais doit être intégrée dans l’élaboration du plan de règlement.

En outre, le tribunal relève qu’au moment de la notification du rappel recommandé, la créancière était mineure. Or, bien que ne jouissant pas de la capacité juridique, ce rappel lui a été personnellement adressé et a été signé par elle-même, et non par ses parents en leur qualité de représentants légaux. Dès lors, il y a lieu de soulever la nullité de la notification du rappel ainsi faite.

Dans ces conditions, le tribunal invite donc le médiateur de dettes à prendre en compte la déclaration de créance ainsi contestée dans la négociation du plan de règlement amiable.

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Tribunal du travail de Liège, div. Huy, 13 mars 2020, RG 14/147/B

Plan judiciaire – Terme du plan – Créance – Arriérés de rémunération – Paiement indu – Dette ante-admissibilité – Absence de déclaration de créance – Pas une dette nouvelle – Clôture de la procédure

Monsieur a été admis à la procédure en règlement collectif de dettes le 11 juillet 2014.

À la suite du dépôt d’un procès-verbal de carence en mai 2015, un plan judiciaire a été imposé. Ce plan prévoyait le remboursement des créanciers par le versement de trois dividendes, à savoir un premier paiement dès le prononcé du jugement, un dividende intermédiaire deux ans plus tard et enfin un dividende final au terme du plan fixé le 31 octobre 2019.

Peu avant la répartition du dividende final, le SPF Finances a informé le médiateur de l’existence d’une nouvelle dette de 8.019,36 euros dans le chef de monsieur au titre d’arriérés de salaires payés indûment pour la période de 2012 à 2014. Après investigations et analyse des courriers envoyés par le SPF Finances, il s’avère que le montant réclamé n’est absolument pas une dette nouvelle, comme le laissait entendre ce dernier. Mais, il s’agit bien d’une dette ante-admissibilité (seuls les montants d’août 2014, à savoir 485,86 euros et 36,56 euros, pourraient être considérés comme postérieurs à l’admissibilité).

Le tribunal constate que, même si monsieur n’a pas fait mention de cette réclamation, il aura donc fallu attendre plus de cinq ans après l’admissibilité pour que le SPF en informe le médiateur. Or, en tant qu’employeur, il ne peut raisonnablement prétendre ne pas avoir été informé de la procédure en cours puisque, suite à la notification de l’ordonnance d’admissibilité, les salaires ont été versés sur le compte de la médiation. Le tribunal souligne, en outre, que le SPF Finances n’a jamais estimé devoir déposer une déclaration de créance dans le délai légal, voire même tardivement afin de se conformer au cadre de la procédure. Enfin, le tribunal note que le SPF, qui, à l’évidence, a tenté de faire passer cette dette comme nouvelle, n’a pas jugé bon d’être présent à l’audience pour s’expliquer.

Concernant le sort à réserver à cette créance, le tribunal rappelle que la loi ne prévoit rien pour les créances non prises en considération dans le plan après la procédure. Dès lors, il y a lieu de considérer que la dette subsiste au terme de la procédure. Le tribunal invite donc monsieur à vérifier et, le cas échéant, à contester le fondement de cette créance réclamée plus de cinq ans après le paiement indu.

Par conséquent et au vu de l’examen du dossier, le tribunal, nonobstant cet élément nouveau, autorise le médiateur à effectuer le dernier versement prévu dans le plan judiciaire et à clôturer par la suite la procédure.

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Tribunal du travail du Hainaut, div. Mons, 7 janvier 2020, RG 13/774/B

Plan de règlement amiable – Remise de dettes partielle – Clôture – Découverte d’une dette post-admissibilité – Augmentation fautive de l’endettement – Refus de remise de dettes

Monsieur a été admis à la procédure en règlement collectif de dettes en date du 28 mars 2014.

Par une ordonnance du 30 juin 2016, un plan de règlement amiable de cinq ans prévoyant une remise de dettes en fin de plan a été homologué.

Dans son rapport de clôture du 8 avril 2019, le médiateur fait état que le plan de règlement a été correctement exécuté. Il y mentionne également l’existence d’une dette post-admissibilité de 8.420 euros ne faisant pas partie du règlement collectif de dettes. Après demande d’explications par le tribunal, il s’avère que monsieur a été condamné en date du 20 décembre 2016 par le tribunal correctionnel à une peine d’emprisonnement principal de trois ans (avec sursis probatoire), à une amende de 6.000 euros et aux frais de justice. Le jugement a ordonné également la confiscation d’armes et d’une somme d’argent. En outre, il apparaît que les faits infractionnels (trafic de drogues, culture de cannabis, détention d’armes à feu) ont été commis postérieurement à l’admissibilité.

Tout d’abord, le tribunal s’étonne que l’existence de la condamnation pénale ne lui ait pas été signalée spontanément par le médiateur à travers notamment ses rapports. Par ailleurs, le tribunal souligne que, contrairement à ce que prétend le médiateur, l’existence d’une condamnation pénale pour des faits postérieurs à l’admissibilité ne peut pas être passée sous silence et que la dette qui en découle doit être prise en compte dans la procédure. Le tribunal poursuit en rappelant notamment qu’au niveau de l’homologation d’un plan prévoyant une remise de dettes en principal, tant le tribunal que les créanciers doivent pouvoir approuver le plan en étant informés de la situation actuelle du médié. Or, en l’espèce, il s’avère que, lorsque la requête en homologation du plan amiable a été déposée par le médiateur, monsieur avait déjà été cité à comparaître devant le tribunal correctionnel, information non communiquée à l’époque. Le tribunal est donc d’avis que l’homologation du plan amiable n’est pas intervenue dans des conditions suffisamment transparentes.

De l’avis du médiateur, le refus d’accorder la remise de dettes en fin de plan reviendrait à infliger à monsieur une «double peine». Sur ce point, le tribunal estime qu’«il y a lieu de distinguer la double peine (interdiction du cumul des sanctions pénales et administratives pour la répression d’un comportement délictueux unique) et les conséquences multiples d’un comportement unique sur des procédures judiciaires de différentes natures». Or en l’espèce, il n’est pas question d’imposer à monsieur une sanction supplémentaire, mais d’examiner si la commission d’infractions, peu importe leur nature, a des effets sur le cours de la procédure et sur le respect des conditions permettant de bénéficier d’une remise de dettes, dont notamment l’interdiction d’aggraver son insolvabilité. Force est de constater qu’en constituant une dette pénale aussi importante, monsieur a manifestement aggravé son insolvabilité. En outre, le déséquilibre entre les efforts consentis par monsieur et ceux imposés aux créanciers exclut toute possibilité de remise de dettes. Par conséquent, il est dit pour droit que le plan de règlement homologué est terminé et que la remise de dettes prévue n’est pas acquise.

Toutefois, le tribunal termine en se réjouissant de la stabilité personnelle et sociale que monsieur semble avoir désormais retrouvée notamment par la conclusion d’un nouveau contrat de travail et tient à préciser que «l’absence de remise de dettes ne doit dès lors pas être vue comme une sanction, mais comme la conséquence d’un parcours chaotique et comme une volonté d’assumer ses responsabilités à l’égard de la société et de ses créanciers». Enfin, il est souligné que la situation actuelle de monsieur laisse en tous les cas présager une amélioration significative et l’espoir de pouvoir solder ses dettes dans un délai raisonnable par lui-même ou dans le cadre d’une nouvelle procédure en règlement collectif de dettes.

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Cour du travail de Liège, div. Liège, 29 avril 2020, RG 2020/BL/3

Requête – Nouvel endettement – Procédure antérieure en règlement collectif de dettes – Procédures d’exécution par huissier – Incidence – Admissibilité

En date du 20 février 2020, madame dépose au greffe du tribunal du travail une requête en règlement collectif de dettes. Elle a déjà bénéficié antérieurement d’une telle procédure, laquelle s’est clôturée le 13 décembre 2017. Elle vit seule et dispose de ressources s’élevant à 1.515,17 euros. Elle fait état d’un endettement d’un montant de 8.537,12 euros qu’elle propose de rembourser au moyen d’un disponible de 150 euros.

Elle explique les raisons de son endettement actuel par un burn-out l’ayant plongée dans une situation morale compliquée ne lui permettant plus de faire face à ses charges et ayant engendré de nombreux arriérés. Il est également fait état d’un surcoût important des factures de fourniture de gaz à la suite d’une fuite dans un ancien logement. En outre, elle mentionne que les différents arrangements négociés avec les huissiers ne lui ont pas permis de s’en sortir et qu’une médiation de dette amiable n’a pas été envisagée.

Le tribunal du travail déclare sa requête non admissible soulignant que madame a déjà bénéficié d’un apurement de son endettement précédent et que, en outre, il n’est pas fait état de tentatives d’accord avec les nouveaux créanciers et/ou d’une recherche d’équilibre budgétaire. Par conséquent, le tribunal est d’avis que celle-ci a davantage besoin d’une guidance budgétaire que d’un règlement collectif de dettes.

Saisie en appel, la Cour souligne que, dans le cadre de l’examen de l’admissibilité, le fait que la requérante ait déjà bénéficié de la procédure ne peut avoir aucune incidence. Il en est de même en ce qui concerne l’absence de tentative d’une médiation de dettes amiable. En outre, la Cour est d’avis que la requête déposée est justifiée et circonstanciée et que madame démontre sa volonté de rembourser ses créanciers. Enfin, la Cour, ayant constaté l’existence de neuf procédures d’exécution, relève que les multiples démarches des huissiers ont pour seuls effets de réduire à néant la marge disponible pour le remboursement et d’allonger, de manière inconsidérée, les délais d’apurement. Dans ces conditions, l’admissibilité au règlement collectif de dettes se justifie pleinement afin de «stopper la spirale des intérêts et des frais d’exécution»et de garantir le respect de la dignité humaine.

Par conséquent, la Cour réforme l’ordonnance contestée et déclare la demande en règlement collectif de dettes admissible.

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Sabine Thibaut,
juriste à l’Observatoire du crédit et de l’endettement