Reportage à la salle de ventes publiques de Bruxelles

Le 21 février dernier, le Centre dappui aux services de médiation de dettes bruxellois (CAMD) organisait une visite de la salle de ventes publiques des huissiers de justice de Bruxelles. Étaient présents une vingtaine de médiateurs de dettes. La présidente de la salle de ventes et huissière de justice Ann Verrezen nous a guidéslors de cette journée de ventes.

11 h 30. Le rendez-vous est donnédevant la salle de ventes située rue de la Petite Île, 9, àAnderlecht en bordure du canal. Située dans un zoning, l’infrastructure est constituée de plusieurs hangars destinésàentreposer la marchandise et d’une salle de ventes moderne, équipée d’écrans permettant de présenter chaque objet au moment des enchères.

Dans cette salle de ventes organisée par les huissiers de justice de Bruxelles ont lieu des ventes publiques et judiciaires, soit des ventes réalisées dans le cadre d’une saisie, mais aussi àla suite de faillites ou encore des ventes publiques volontaires. Ce matin-là, c’est la saisie de véhicules et de biens issus d’une faillite d’un concessionnaire automobile, et divers biens résultant d’une vente publique volontaire (objets de décoration, mobilier, télévision, électroménager, outils…)qui sont mis aux enchères. Ils sont exposésce jeudi matin afin de permettre au public intéresséd’examiner les objets. Aucun d’eux ne dispose d’une garantie, alors autant s’enquérir de leurétatavant la mise aux enchères. Dans la salle d’exposition, pêle-mêle, des tables basses de salon, des phares de voiture, un lot de jouets d’enfants, des chaises…À l’extérieur, plusieurs voitures, dont certaines présentent encore des effets des anciens propriétaires (courrier, siège enfant…).

12 h. La présidente de la salle de ventes et huissière de justice Ann Verrezen nous explique le fonctionnement des ventes: «Vous avez sans doute pu voir àlentrée les placards annonçant la fixation des ventes: cest une obligation pour les huissiers que cet affichage, ici àla salle ainsi quau domicile du saisi. Auparavant on mettait un placard sur limmeuble. Aujourdhui la loi du 7 mai 1999 a prévu que lon remette une lettre au saisi, ce qui est moins stigmatisant. Entre le moment de la saisie et la vente publique, il y a un délaidun mois qui doit s’écouler. Durant ce délai, si certains biens saisis nappartenaient du débiteur, une action en revendication peutêtre introduite devant le juge des saisies par le propriétaire. Autre recours si le saisi estime que des biens ne pouvant être saisis figurent sur la liste de l’huissier: il a cinq jours pour contester la saisie par lettre recommandée. Cest le juge des saisies qui tranchera (voir encadré). Les biens sont enlevésle mardi ou le mercredi qui précède la vente. Les ventes se déroulent le jeudi. Jusqu’àla dernière minute les débiteurs peuvent régler leurs dettes: jusquau jeudi midi, une vente peut être annulée. Cest dailleurs souvent le cas.»

Si bien des saisies sont effectuées comme moyen de pression pour amener le débiteur àpayer, quelques-unes vont jusqu’àla vente publique. ÀBruxelles, elles ont lieu le jeudi après-midi, sous la direction de la commissaire-priseuse et d’un huissier de justice. Le personnel de la salle est présent pour récupérer les sommes auprèsdes enchérisseurs qui ont dûs’inscrire avant de pouvoir faire offre. La salle dispose d’un Mister Cash. Les biens sont vendus au plus offrant et àmain levée. Le montant des biens adjugésest augmentéde frais constituésd’un pourcentage du prix de vente, soit 30% si la vente concerne un commerçant et 20% s’il s’agit de biens d’un particulier.

13 h. Début de la vente à13 heures pile. Dans la salle, une majoritéd’hommes, quelques femmes. On commence par les voitures. La commissaire-priseuse annonce:«Une Renault Scenic sans papiers ni clefs, dans l’étatdans lequel elle se trouve. Un amateur? 300 euros? Personne? 250 euros? 200? 150? 30 euros? Monsieur dans le fond de la salle. Une fois, deux fois, trois fois. Adjugée, la RenaultàMonsieur pour 30 euros plus les frais.»Une Rover 45 et une Opel Combo suivent: la première ne trouve pas preneur, la seconde part elle aussi pour 30 euros. Une Audi A4 de 2007, avec ses papiers de bord, une clef et 300.000 kilomètres au compteur, fait davantage vibrer la salle: elle est vendue pour «1.000 euros pour le monsieur avec le bonnet». Suit la seconde vente, volontaire, d’objets divers, avec des prix d’entrée souvent autour de 30 euros. Chaque enchère est lancée, avec le plus souvent, une absence de réaction de la salle. La commissaire-priseuse descend alors graduellement les prix, parfois jusqu’à deux malheureux euros. Dans certains cas, les amateurs se réveillent alors et les enchères remontent jusqu’à 10, 20 ou 30 euros. Parfois plus. Une perceuse Bosch pour 35 euros, un téléviseur Sony pour 75 euros. D’autres biens sont retirésde la vente, faute d’intérêt. Dans le même temps, la commissaire-priseuse fait la police de la salle, sur un ton de maîtresse d’école: «Les GSM, sur silencieux!», «Les deux messieurs du fond, on peut vous aider? Vous pouvez aller au cafépour discuter. On ne sentend plus», «On va finir par vous séparer».

Ce ne fut pas le cas cette fois, mais il arrive en cas de vente sur saisie que des personnes ou leurs proches viennent racheter leur mobilier, histoire de récupérer leurs biens. Cela peut se faire au moment de la vente publique ou dans les 10 jours de la signification de la saisie, auprèsde l’huissier instrumentant en proposant àce dernier une vente àl’amiable. Pour cela, il faut faire une offre chiffrée par lettre recommandée. En cas de refus ou d’absence de réponse, un recours peut toujours être introduit devant le juge des saisies. Comme l’explique Romain Knaepen, juriste au Centre d’appui médiation de dettes bruxellois, qui organisait la visite, «le fait de faire racheter les biens par un proche qui na rien àvoir avec les dettes du débiteur permet de récupérer les meubles à bas prix , et également de détenir une preuve certaine de la propriété. En cas de nouvelle saisie, ces meubles pourront dèslors être sauvésgrâce au titre de propriétédélivré. Nous conseillons cette possibilitéaux débiteurs dont les biens saisis sont ainsiécoulésen vente publique».Vu la trèsfaible hauteur des enchères, ces ventes publiques permettent aussi de se procurer du matériel (mobilier, outillage, électro) àdes prix très en dessous des prix du marché.

Les lots s’égrènent, les biens s’affichent sur les écrans et les enchères se succèdent. Certains objets retirésde la vente se retrouveront sur la boutique en ligne pour des prix nettement supérieurs aux enchères sur place. Tous les lots vendus ce jeudi sont régléssur-le-champ, ils devront être retirésle lendemain. La prochaine vente est fixée àla mi-mars.

Nathalie Cobbaut

Des salles de ventes
organis
ées par des pouvoirs publics

Les huissiers de justice disposent par arrondissement d’une ou de plusieurs salles de ventes. Pour connaître les coordonnées des différentes salles dans tout le pays: https://www.huissiersdejustice.be/sam-tes/salles-des-ventes

Autres lieux de vente organisés par des autoritéspubliques: les Fin Shops du SPF Finances oùsont mis en vente des biens issus de saisies, de confiscations ou de successions en déshérence, ainsi que des biens déclasséspar différents pouvoirs publics. https://finshop.belgium.be

À noter aussi, les ventes publiques organisées par le Mont-de-Piété, une institution publique dépendant cette fois de la Ville de Bruxelles. Prêteur sur gage, il met en vente publique les objets gagésnon récupérés. Ce ne sont généralement pas des biens de première nécessité. https://www.montdepiete.be.

 

Peut-on tout saisir?

L’article 1408 du Code judiciaire fixe la liste des biens qui ne peuvent être saisis. Celle-ci comporte le coucher nécessaire au saisi et àsa famille, les vêtements et linge de maison, les meubles de rangement, une machine àlaver, un fer àrepasser, les appareils de chauffage, des tables et des chaises, la vaisselle et les ustensiles de ménage pour prendre le repas en commun… Détaillée, cette liste n’est pourtant pas de toute dernière fraîcheur. Elle mentionne de laisser aussi àla disposition du débiteur saisi une vache, douze brebis et chèvres ou encore vingt-quatre animaux de basse-cour avec la paille, le fourrage et le grain nécessaires pour un mois. En revanche n’y figurent pas des biens qui semblent aujourd’hui indispensables, notamment concernant les moyens de communication, comme un poste de radio, un téléviseur, un ordinateur, une imprimante et le matériel nécessaire pour assurer une connexion internet. Une proposition a déjàétédéposée plusieurs fois au parlement pour réformer cette liste. Pour la consulter: https://bit.ly/2T1vEgc.