Tour d’horizon du traitement du surendettement dans quatre pays européens

Lors du colloque anniversaire de l’Observatoire du crédit et de l’endettement, le traitement du surendettement a été présenté dans plusieurs pays européens (Pays-Bas, France, Italie et Slovaquie). Il existe une multiplicité de dispositifs d’aide à l’endettement en Europe, de quoi inspirer la Belgique. Certains pays ont une longue tradition de traitement du surendettement (Pays-Bas, France) alors que d’autres ont mis en place des dispositifs plus récemment (Italie, Slovaquie). Dans cet article, nous présentons les différences entre ces pays et la Belgique en matière d’évolution de la population en difficulté d’endettement. Ensuite, nous abordons les dispositifs d’aide pour le surendettement dans ces quatre pays européens.

Concernant l’évolution de la population en difficulté d’endettement en Belgique, aux Pays-Bas, en France, en Italie et en Slovaquie, il y a des éléments caractéristiques pour chacun de ces pays. Donc avant d’examiner les stratégies de prise en charge du surendettement dans ces quatre pays européens, il convient de réaliser une comparaison statistique des populations estimées en difficulté d’endettement, en les mettant en perspective avec la situation en Belgique.

À cette fin, nous utilisons un indicateur statistique relatif à l’enquête EU-SILC, une enquête qui se fait annuellement auprès des ménages dans l’ensemble des pays européens. Il s’agit de la proportion de la population en retard de paiement d’une dette suite à des difficultés financières. Comme il s’agit d’une déclaration individuelle, il est difficile de s’assurer de la véracité de cet indicateur, d’autant que nous ne disposons pas d’indicateur administratif agrégé pour estimer la population en situation d’endettement problématique, rien qu’au niveau belge. Nous gardons ces biais en tête en analysant les données qui suivent (voir le graphique 1).

Une comparaison des populations en difficulté

Pour commencer, au regard du pourcentage de la population française en difficulté d’endettement, la France se classe au-dessus de l’ensemble des autres pays européens. En 2023, 10% de la population française déclare être en retard de paiement d’une dette suite à des difficultés financières. Neuf ans plus tôt, la France connaissait déjà la même proportion de sa population en difficulté d’endettement. Alors que cette proportion a connu une baisse de 2014 à 2019, elle n’a fait que croître de 2019 à 2023, suite aux dernières crises successives (sanitaire, inflationniste, énergétique…).

La Slovaquie est juste derrière la France dans le classement des populations en difficulté d’endettement. En 2023, 8,8% de la population slovaque déclare être en difficulté de paiement avec une dette. Après avoir connu une baisse des difficultés financières liées à l’endettement à partir de 2019, les crises successives semblent avoir fait replonger la population dans les problèmes d’endettement.

Pour ce qui est de l’Italie, après avoir connu un pourcentage effarant de population en difficulté d’endettement (plus de 14% en 2015), elle a ensuite connu une baisse de cette proportion entre 2015 et 2019. La crise sanitaire a largement impacté l’économie italienne en 2020 et 2021 avec des mesures très fortes de restrictions, ce qui explique en partie l’augmentation des difficultés d’endettement de la population pendant ces années. Depuis lors, cette proportion baisse, atteignant 5% en 2023.

Comparée aux autres pays, la Belgique se classe plutôt bien avec une proportion de la population en difficulté d’endettement de 4,6% en 2023. Celle-ci augmente légèrement en 2023 après une baisse quasi continue depuis 2014.

Les Pays-Bas battent les autres pays européens avec la plus faible proportion de la population en difficulté d’endettement. 2,6% seulement de sa population déclare être en difficulté d’endettement en 2023. Cette proportion ne cesse de diminuer au fil des années, à peu près dans la même proportion qu’en Belgique.

Pays-Bas: une approche au niveau local, avec un système rapide d’effacement des dettes en 18 mois, mais des différences marquées entre municipalités

 Aux Pays-Bas, il existe deux types d’aides aux personnes surendettées: une aide amiable et une aide judiciaire. Ces aides sont organisées au niveau des municipalités et par elles. Une personne endettée peut donc s’adresser à la municipalité ou à l’organisation qui s’occupe de l’aide à l’endettement pour la municipalité. La procédure amiable relève de la loi sur l’assistance communale en matière d’endettement («Wet gemeentelijke schuldhulpverlening», Wgs). La procédure judiciaire relève de la loi sur l’apurement de la dette pour les personnes physiques («Wet schuldsanering natuurlijke personen», Wsnp).

Tout comme en Belgique, ces aides sont activées sur une base volontaire. Les deux «régimes» sont complémentaires. Sauf exception, le but est de tenter d’abord de parvenir à un règlement à l’amiable avant de passer en phase judiciaire. Un «médiateur de dettes» ouvre un dossier amiable et recueille les informations nécessaires pour proposer un plan de règlement aux créanciers.

Si la procédure à l’amiable n’aboutit pas à un accord avec les créanciers, le juge peut imposer un arrangement contraignant aux créanciers récalcitrants. Une demande d’admission à la procédure judiciaire peut être déposée en parallèle. L’admission à la procédure judiciaire est alors possible en cas d’échec de l’arrangement contraignant.

Les deux procédures (amiable et judiciaire) aboutissent à un «fresh start». En amiable, le règlement ne vaut que pour les créanciers inclus dans l’accord. En judiciaire, les dettes sont effacées.

Les deux procédures visent une période de remboursement de 18 mois: il s’agit d’un délai légal auquel les créanciers doivent se soumettre. Durant cette période, les revenus dépassant un seuil minimum sont retenus en faveur des créanciers afin d’apurer la dette. Après ce délai, la dette est formellement convertie en «créance irrécouvrable judiciairement». En amiable, un accompagnement spécifique est également mis en œuvre. En moyenne, le remboursement est de 0 à 10%.

D’après les statistiques disponibles, chaque municipalité compterait entre 2 et 8% de demandeurs potentiels[1]. Il apparaît qu’avant de solliciter un service d’aide, les ménages attendent en moyenne cinq années. Leur endettement est en moyenne de plus de 36.000 euros pour les particuliers[2]. Chaque municipalité dispose d’une certaine liberté dans la définition et la concrétisation de l’aide aux personnes surendettées. Elles ont un rôle de coordination en matière de prévention et de traitement du surendettement. Cette liberté induit des accompagnements assez variables en fonction des localités et des disparités importantes. Différentes enquêtes en ont attesté (inspection néerlandaise du travail, médiateur national).

Ces dernières années, les efforts se sont concentrés sur la détection précoce des personnes en difficultés financières aux Pays-Bas. En 2021, une modification législative est intervenue. Différents créanciers (assureurs maladie, organismes de logement, compagnies d’énergie, d’eau, les bailleurs, entreprises de services d’utilité publique) sont depuis tenus d’envoyer un signalement de «non-paiement» à la municipalité dans laquelle le débiteur est domicilié. Celle-ci a l’obligation de proposer activement une aide aux habitants, sous la forme, par exemple, de visites à domicile. En moyenne, par mois, ces «signalements» concernent quatre personnes par 1.000 habitants. Malgré cette détection précoce, les ménages ne sont pas toujours enclins à entreprendre une médiation de dettes (en 2023, seuls 7% des «signalements» ont donné lieu à une médiation[3]). La détection précoce se concentre sur les citoyens ayant des problèmes de paiement qui n’ont pas encore sollicité de l’aide auprès des municipalités. L’objectif est notamment de les informer des aides disponibles et d’éviter que les arriérés de paiement n’augmentent et que des dettes problématiques n’apparaissent.

Dans certains cas, le montant pouvant être proposé aux créanciers comme remboursement est préfinancé par des banques de crédit municipales. Ce financement est appelé «crédit d’apurement». Les créanciers reçoivent le montant convenu en une seule fois. La banque de crédit accorde un crédit social au débiteur et rembourse les dettes au créancier pour le compte de celui-ci. Cette option permet aux personnes (sur)endettées de n’avoir plus qu’un seul créancier: elles remboursent le crédit à la caisse de crédit municipal.

Une étude a récemment révélé que les dettes coûtent à la collectivité néerlandaise 8,5 milliards d’euros par an[4]. Les municipalités perçoivent plus de 200 millions par an de l’État pour l’assistance en matière d’endettement[5] ainsi que des fonds issus d’une dotation générale de l’État. Elles peuvent utiliser ces fonds comme elles l’entendent. Les possibilités locales, la volonté politique et la politique financière du gouvernement national conduisent à de fortes disparités entre les communes dans la mise en œuvre de l’assistance en matière d’endettement. Comme le souligne Joeri Eijzenbach, orateur au colloque, les finances communales sont sous pression. Il n’est dès lors pas certain que les fonds publics alloués aux municipalités afin de mettre en œuvre une assistance aux personnes surendettées soient effectivement utilisés dans cet objectif.

L’assistance au sein des municipalités est proposée gratuitement aux citoyens. Outre les municipalités, les banques de crédit et les entités agissant au nom et pour le compte de celles-ci sont également autorisées à pratiquer la médiation de dettes. D’autres groupes de professionnels peuvent aussi pratiquer l’assistance en matière d’endettement: avocats, huissiers de justice, comptables et administrateurs judiciaires. Ceux-ci peuvent demander des honoraires pour ces aides[6]; toutefois en pratique, rares sont les débiteurs qui demandent une assistance auprès de ces professionnels.

France: une centralisation par la Banque de France, une bonne connaissance des profils, mais un taux de rechute important 

À la fin des années 1980, la France adopte la loi Neiertz[7] relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles. Celle-ci prévoyait une première procédure avec deux objectifs: éviter le surendettement «chronique» et permettre aux créanciers de recouvrer tout ou partie des sommes dues.

À l’époque, ont été créés:

  • un fichier recensant les incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP);
  • une procédure collective visant à traiter globalement les situations de surendettement des particuliers. Elle incluait d’une part un arrangement amiable de nature administrative et d’autre part une phase judiciaire avec l’intervention d’un juge pour imposer un plan de redressement avec possibilité de rééchelonnement.

Dès 1990, le traitement du surendettement des ménages a été confié à la Banque de France. La procédure est mise en œuvre dans chaque département par une commission de surendettement, dont le secrétariat est assuré par la Banque de France. Le secrétariat instruit le dossier, renseigne les débiteurs sur la procédure, négocie ou impose des remboursements avec ou sans effacement aux créanciers, forme et informe les travailleurs sociaux. Chaque commission est composée de sept membres: un représentant des finances publiques, un représentant des consommateurs et un représentant des établissements de crédit, un spécialiste en économie sociale et familiale et un juriste. Elle est présidée par le préfet ou son représentant.

Du fait de cette centralisation des dossiers, la Banque dispose de données détaillées et complètes sur les profils des personnes surendettées.

Il y a trois conditions légales pour qu’un dossier soit éligible à la procédure de surendettement: être une personne physique, être dans l’impossibilité de faire face à ses dettes privées ou professionnelles et agir de bonne foi. La procédure de dépôt d’un dossier de surendettement est gratuite et confidentielle («sans publicité»). Ni les créanciers ni la banque ne sont informés du dépôt.

La personne peut déposer son dossier seule ou être accompagnée d’un travailleur social, par exemple. En 2023, 46% des déposants ont choisi d’être accompagnés par un intervenant social.

Dès le dépôt du dossier, le débiteur est enregistré au Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, consultable par les établissements de crédit. Lorsque la recevabilité est prononcée, les actions des créanciers à l’encontre des débiteurs sont suspendues (arrêt des pénalités et gel des intérêts). Au dépôt du dossier, la commission contrôle la légalité du montant des créances réclamées. En cas de contestation de créances, un recours devant le juge est possible, aussi bien par le débiteur que par le créancier.

L’orientation du dossier dépend du caractère irrémédiablement compromis ou non de la situation du débiteur (c’est-à-dire que le débiteur n’a aucune capacité de remboursement ou a une capacité très faible, et sa situation n’est pas susceptible de s’améliorer à moyen terme):

–                si le remboursement intégral ou partiel est possible: un plan est élaboré (report, rééchelonnement, réduction du taux d’intérêt, effacement partiel des dettes, voire accomplissement d’actes propres à résorber les dettes – vente d’un bien par exemple);

–                en cas d’absence de capacité de remboursement: un effacement total des dettes (procédure de rétablissement personnel) est décidé.

La durée maximale de la procédure est de sept ans.

Conformément à la loi, la Banque de France assure le secrétariat des commissions de surendettement pour le compte de l’État qui couvre les coûts engagés dans l’exercice de cette mission d’intérêt général. L’objectif fixé à la Banque de France est d’assurer un traitement efficace du surendettement. Un indicateur clé de performance est lié au délai moyen de traitement des dossiers de surendettement.

En 2023, 119.741 dossiers ont été traités par les commissions de surendettement de France métropolitaine. Les solutions apportées sont les suivantes:

  • 44% ont donné lieu à des mesures imposées de remboursement partiel ou total;
  • 35% ont fait l’objet d’une décision de rétablissement personnel, au terme de laquelle les ménages concernés ont vu leurs dettes intégralement effacées;
  • 7% ont fait l’objet d’un plan conventionnel de redressement définitif; ce type de plan est négocié entre le débiteur propriétaire d’un bien immobilier et ses créanciers;
  • 14% ont donné lieu à des décisions d’irrecevabilité, de clôture et de déchéance de procédure.

Sur 107.218 dossiers clos en 2023, 35% ont fait l’objet d’un effacement total des dettes. Le montant moyen de l’effacement des dettes par dossier s’est élevé à 19.745 euros. Le montant total effacé, à 1,2 milliard d’euros. Les taux d’effacement des dettes sont de 9% pour les dettes immobilières; de 31% pour les dettes à la consommation; de 41% pour les dettes de logement et de 44% pour les dettes de charges courantes hors logement. 41% des dettes de loyers sont effacées dans le cadre de la procédure de surendettement, dont 14% liés à des bailleurs sociaux. C’est une perte importante pour les bailleurs sociaux. Une expérience a récemment été mise en place en France. Son objectif est de détecter de manière précoce les personnes avec des difficultés financières via un signalement par les bailleurs sociaux, les fournisseurs d’énergie…

En 2023, l’endettement contracté par l’ensemble des ménages surendettés s’élève à 4,2 milliards d’euros. Hors dettes immobilières, l’endettement médian[8] s’est établi à 16.898 euros et l’endettement moyen à 30.429 euros. La part des dettes à la consommation représentait 40% de l’endettement global, les dettes immobilières, 27%. La proportion des charges courantes et autres dettes s’est stabilisée à 33%. Parmi les dettes de charges courantes et autres dettes, la part de l’énergie et de la communication est stable à 2% de l’endettement global. Les créances sont majoritairement détenues par de grands groupes bancaires privés. Toutes créances confondues, les dix premiers groupes privés créanciers des ménages surendettés détiennent deux tiers de l’encours global.Il est possible d’introduire une nouvelle procédure plusieurs fois. Après trois procédures, le débiteur va bénéficier d’un accompagnement psychologique en plus. Le délai moyen avant un «redépôt» est de trois ans. Le taux de rechute moyen est de 40%. Il est variable en fonction de la manière dont la procédure précédente s’est terminée: 80% de rechute en cas de moratoire, 10% de rechute en cas d’effacement de dettes, 30% de rechute en cas de remboursement partiel.

Italie: une large gamme de procédures judiciaires et peu de connaissance des dispositifs par le débiteur

En Italie, de multiples acteurs proposent une aide à l’endettement, mais la coordination de ces initiatives par l’État fait défaut. Les personnes en situation de surendettement peuvent s’adresser à des services privés de conseil d’endettement (asbl), des associations de consommateurs qui redirigent vers des conseillers juridiques spécialisés, des services sociaux pour la prévention financière (comme des associations catholiques) ou encore des associations travaillant avec un gouvernement local, lesquelles peuvent proposer un crédit social pour rembourser certaines dettes. Certains services sont uniquement présents localement, notamment des organisations locales caritatives, d’autres disposent de plusieurs bureaux dans diverses régions du pays, notamment I Diritti del Debitore[9] présent au colloque de l’Observatoire.

Le projet PEPPI développé par l’European Consumer Debt Network (ECDN) a d’ailleurs tenté d’établir une liste de l’ensemble des aides disponibles sur le territoire italien[10], on ne compte pas moins de trente sites internet différents qui renvoient vers des types de service différents et plus de onze associations locales sans sites référencés.

En termes de procédure, l’Italie dispose de cinq solutions judiciaires pour le surendettement, dont trois accessibles aux consommateurs:

  • Le plan de restructuration de la dette pour le consommateur;
  • Le petit concordat (pour les petites entreprises, les entrepreneurs);
  • La liquidation contrôlée (cas particulier de demande de liquidation de l’ensemble des actifs pour payer ses dettes);
  • L’allègement de la dette pour la personne surendettée insolvable;
  • Le règlement négocié de la crise de l’entreprise.

L’équivalent à la médiation de dettes amiable n’est pas reconnu légalement.

Il a fallu attendre 2012 pour avoir un processus d’aide à l’endettement judiciaire accessible aux particuliers. Précédemment, seuls les entrepreneurs et les entreprises pouvaient espérer une prise en charge judiciaire de leur situation d’endettement. Les débiteurs ne pouvaient donc s’adresser qu’aux services d’aide à l’endettement qui disposaient de peu de marge de manœuvre pour venir en aide aux personnes surendettées.

Plus récemment, en 2019, la définition d’insolvabilité a été inscrite dans la loi pour déterminer l’accès précis à la procédure d’allègement de la dette pour les personnes surendettées insolvables. Il s’agit de la situation où le débiteur n’est plus en mesure de faire face régulièrement à ses obligations financières, soit du fait de défauts de paiement, soit via d’autres faits externes. Dans ce cas, le débiteur a le droit d’obtenir un effacement total de ses dettes, cette occasion ne lui est accessible qu’une seule fois dans sa vie. C’est au débiteur de démontrer que cette situation n’est pas à son avantage, c’est-à-dire qu’elle n’a pas été causée délibérément. Le débiteur doit également avoir fait preuve d’efforts dans le remboursement de ses dettes avant la demande d’effacement.

Autrement, le débiteur peut également faire appel à une procédure de plan de restructuration de la dette, en proposant d’apurer ses dettes via un plan de paiement pour ses créanciers qui sera accepté ou non par le tribunal. Il peut aussi faire la demande d’une liquidation contrôlée, un système où on vendrait ses actifs (ex.: un bien immobilier) pour payer l’ensemble de ses dettes.

Les procédures judiciaires de surendettement en Italie pour les particuliers se déroulent en plusieurs étapes auprès du tribunal de première instance («tribunale ordinario»). Cette procédure peut se résumer en six grandes étapes clés :

  • Dans un premier temps, le débiteur doit se poser la question de savoir s’il répond aux conditions d’admissibilité de la procédure de surendettement choisie. Il faut notamment se trouver dans une situation de surendettement. Celle-ci est définie comme étant une situation de crise (inadéquation des flux de trésorerie futurs pour faire face à ses obligations dans les 12 mois à venir) ou d’insolvabilité. Pour savoir s’il répond aux critères d’accès aux procédures judiciaires, le débiteur peut faire appel aux services de conseil d’endettement précités.
  • Dans un second temps, le débiteur doit constituer un dossier avec une série de preuves sur l’ensemble de ses dettes, de ses «avoirs» et les preuves de sa bonne foi vis-à-vis des créanciers sur les cinq dernières années. À ce stade, le débiteur doit alors proposer un plan de restructuration de la dette ou de liquidation de ses actifs. De nouveau, le débiteur peut faire appel à un service de conseil d’endettement pour l’assister dans cette tâche.
  • La troisième étape est le début de la procédure judiciaire en tant que tel. Le débiteur ou son aide spécialisée devra demander la désignation d’un gestionnaire de crise à un organisme de règlement de crise. Cet organisme peut être une association précitée ou non. L’organisme de règlement de crise agit sous l’autorité du ministère de la Justice.
  • Une fois le gestionnaire de crise nommé, celui-ci va vérifier la légalité de l’ensemble des dettes, les actualiser si besoin et veiller à l’adéquation du plan de restructuration du débiteur en fonction de sa situation. Le gestionnaire de crise est un professionnel qui est tenu de suivre une formation à l’école supérieure de la magistrature et de suivre un cours de remise à niveau bisannuel.
  • Ensuite, le gestionnaire de crise va déposer le dossier du débiteur auprès du tribunal compétent et le transmettre à l’avocat qui assistera le débiteur dans la phase judiciaire.
  • La dernière étape de la procédure judiciaire d’aide à l’endettement est l’audience au tribunal. Le plan proposé par le débiteur et l’avocat y est discuté et le juge décide ou non d’approuver le plan proposé. Il donne également des consignes au débiteur et aux créanciers. Si le débiteur exécute ce qui est demandé, les procédures de recouvrement de dettes prennent fin et le plan (remboursement des dettes, effacement des dettes, liquidation des actifs) commence.

La procédure judiciaire est à charge du débiteur qui doit payer le gestionnaire de crise et l’avocat, lui-même ou via l’aide de membres de la famille ou de garants.

Même si ces procédures judiciaires ont le mérite d’exister en Italie et peuvent donner la possibilité aux débiteurs insolvables d’un effacement des dettes, l’accès à celles-ci est difficile. Les services d’aide à l’endettement ne sont pas forcément connus du grand public pour accompagner le débiteur dans la constitution du dossier. De plus, ces services ne sont pas coordonnés par l’État. Enfin, les gestionnaires de crise doivent suivre une formation spécifique, mais pas les professionnels des services d’aide à l’endettement.

Slovaquie: une faillite personnelle (trop) rapide et des services d’aide à l’endettement innovants

En Slovaquie, il existe deux procédures judiciaires de faillite personnelle: la faillite totale, qui permet d’effacer ses dettes, et la procédure de désendettement échelonné, qui propose un plan de paiement sur maximum cinq ans avec une possibilité d’effacement partiel des dettes. Les Slovaques préfèrent nettement la faillite totale (99,1% des cas) à la procédure de désendettement échelonné (0,9%). Ces procédures sont accessibles pour tout débiteur ayant au moins une dette en cours d’exécution forcée pendant au moins un an. Le débiteur doit également faire preuve d’intention honnête pour espérer bénéficier d’une faillite personnelle. Tout comme pour le règlement collectif de dettes en Belgique, certaines dettes ne peuvent pas être effacées par la procédure de faillite personnelle (ex.: les dettes pénales).

La faillite personnelle, en particulier la version de faillite totale, a gagné en popularité en 2017. Suite à la simplification de la procédure, elle permet une remise de dettes sur simple demande (voir le tableau 1). Le débiteur peut depuis lors demander un effacement de dettes au tribunal sans période de probation ou sans obligation d’un remboursement minimum de dettes. Entre 2006 et 2016, moins de 3.000 personnes sont passées par la case faillite personnelle. À partir de 2017 et jusqu’à septembre 2024, ce nombre a atteint 81.000 personnes, ce qui constitue une hausse considérable. Le tabou et la culpabilité de l’effacement des dettes ne semblent pas toucher la population slovaque. La procédure de faillite personnelle est utilisée sans honte, se faisant connaître par du bouche-à-oreille de manière assez large. 

Même si la faillite personnelle slovaque est un outil qui peut s’avérer utile pour aider les particuliers surendettés, elle est malheureusement souvent utilisée abusivement par des personnes qui n’en ont pas réellement besoin. De plus, la faillite personnelle ne peut être utilisée qu’une fois tous les dix ans. Si le débiteur fait appel à un effacement de dettes prématurément sans prendre en compte les causes du problème d’endettement, il peut facilement retomber dans les problèmes financiers sans pouvoir recourir à la procédure plus tard.

C’est pourquoi il était devenu important de créer un système pouvant accompagner les débiteurs dans leur situation de surendettement afin d’éviter le recours abusif à la faillite personnelle. En 2021, on assiste à la création de 46 services d’aide à l’endettement répartis sur l’ensemble de la Slovaquie par le ministère du Travail, des Affaires sociales et de la famille. Ces services d’aide à l’endettement sont gratuits et présents dans des bureaux distincts des services du ministère. Cette mise en place est notamment l’aboutissement du projet PEPPI porté par ECDN[11]. Ces services sont financés par l’Union européenne de 2021 à 2027.

Chaque service d’aide à l’endettement comprend quatre professionnels différents: un travailleur administratif, un juriste, un économiste et un psychologue. L’idée derrière cette organisation est la prise en charge du débiteur via trois aspects: le conseil juridique, le conseil économique/financier et le conseil social/psychologique (voir le schéma 1). Trois professionnels (juriste, économiste et psychologue) travaillent conjointement sur le dossier de la personne et le débiteur reçoit des conseils de ces trois types de professionnels.

La logique derrière cette organisation est assez simple. Les personnes surendettées ne sollicitent généralement qu’une aide juridique et pensent n’avoir rien à attendre de l’économiste, et ont peur ou honte de consulter le psychologue (confondant même psychologie et psychiatrie). Si un débiteur doit faire face à plus d’une dette, il doit y avoir une raison économique et/ou budgétaire à cela. De plus, sans une motivation psychologique du débiteur, il est difficile que des conseils économiques et juridiques aient un quelconque impact.

Les trois types de professionnels suivent un programme de formation de 154 heures sur leur expertise propre, mais également sur la compréhension des autres types de profession. Le rôle des différents professionnels des services d’aide à l’endettement est également de convaincre le débiteur de l’utilité de rencontrer et d’échanger avec les autres professionnels. Plusieurs débiteurs slovaques persistent à refuser le conseil psychologique dans un premier temps, car ils craignent d’être traités comme s’ils souffraient de troubles mentaux.

De nombreux débiteurs slovaques désirent se mettre en faillite personnelle, mais se ravisent après explication des avantages et inconvénients de la procédure. Le rôle des professionnels des services d’aide à l’endettement est également d’expliquer au débiteur s’il est éligible à la procédure et de l’orienter vers la procédure la plus adaptée selon sa situation propre. Dans le cas où l’endettement n’est pas suffisamment élevé, les professionnels des services conseillent plutôt de négocier des plans de paiement avec les créanciers plutôt que de commencer une faillite personnelle.

D’autres services que les services d’aide à l’endettement peuvent également venir en aide aux personnes en difficulté d’endettement en Slovaquie. Les centres d’aide juridique qui relèvent du ministère de la Justice assistent les débiteurs pour une aide juridique. Ils peuvent recourir à un avocat à titre gratuit qui les aidera à déposer une demande de faillite personnelle. Ces centres sont gratuits pour les débiteurs dont le revenu est inférieur à un certain seuil et sont financés par des ressources publiques. La Chambre nationale des huissiers de justice de Slovaquie propose aussi des conseils juridiques gratuits auprès des personnes confrontées à une exécution forcée (l’exécution légale d’une injonction judiciaire à payer). On peut citer également d’autres organisations qui peuvent assister des personnes surendettées: des organisations de protection des consommateurs, des organisations caritatives et catholiques, des associations spécialisées dans la prise en charge de la minorité rom[12].

En ce qui concerne l’avenir, le système des 46 services d’aide à l’endettement est mis sous pression politique. Il est question notamment dans les débats politiques de fusionner les services d’aide à l’endettement avec le réseau de services de conseil familial. Ceux-ci ont été créés pour régler les conflits qui peuvent exister au sein des familles (ex.: violences conjugales). Cette mesure pourrait réduire le coût de fonctionnement des services; toutefois cela rendrait moins visible le concept d’aide à l’endettement. Le futur du financement des services d’aide à l’endettement pose également question. Celui-ci est assuré par des fonds européens jusqu’à 2027. Comment sera-t-il financé dans le futur? Cette question reste ouverte au débat.

Elisa Dehon et Caroline Jeanmart

[1] Lettre à la Chambre du 16 novembre 2023 relative aux services de base en matière d’assistance pour l’endettement fichier (overheid.nl).

[2] Rapport annuel du NVVK 2023.

[3] Moniteur Divosa du signalement précoce de l’endettement – Rapport annuel 2023 | Divosa.

[4] Panteia, De maatschappelijke kosten van schuldenproblematiek, juin 2024 https://open.overheid.nl/documenten/da9c2e26-6d1e-4768-ab5a-63c2d847bbab/file.

[5] 199 millions en 2022.

[6] Art. 47 et 48 de la loi sur le crédit à la consommation.

[7] Loi Neiertz n°89-1010 du 31 décembre 1989.

[8] La médiane est la valeur qui partage une distribution en daux parties égales

[9] https://www.idirittideldebitore.com/home

[10] Voir https://debtadvice.uniurb.it/

[11] Voir l’article sur l’ECDN pour plus d’infos.

[12] La minorité rom représente une large part de la population en situation de pauvreté en Slovaquie et nécessite un accompagnement adapté.