Un travail d’arpentage pour une pièce de théâtre sur la dette

Les questions sociales et de société, Rémi Pons, dramaturge et réalisateur de créations radiophoniques, connaît bien. Dans son documentaire radio Radeaux dans la montagne, il évoque une expérience de vie avec des enfants autistes. Sa pièce de théâtre L’odeur appréhende l’univers du sans-abrisme. Depuis quelques mois, il se penche sur la question du surendettement pour une prochaine pièce de théâtre.

C’est en juillet dernier que nous avons rencontré Rémi Pons, en quête d’informations sur la question du surendettement pour sa prochaine création théâtrale. Le point de départ de sa démarche vient d’une rencontre: «Il y a quelque temps déjà, j’ai accompagné un travailleur social. Parmi les personnes en grande précarité qu’il accompagnait figuraient de nombreuses personnes surendettées et j’ai été très frappé de voir dans quel gouffre ces difficultés financières pouvaient plonger les personnes qui les vivent. Ce qui m’a marqué, c’est la perte de contrôle vécue par ces personnes et le fait qu’ils sont dessaisis du pouvoir d’agir sur leur propre vie. À la même époque, la Grèce traversait une période de crise énorme et était mise sous tutelle. Tout cela a commencé à tourner dans ma tête.»

Arpenter le sujet de la dette

Pour mieux comprendre cette réalité, Rémi Pons prend donc des contacts, s’informe. Il a récemment passé trois semaines dans un service de médiation de dettes bruxellois. Autre démarche qu’il expérimente au sein de l’asbl Esquifs: celle de l’arpentage autour de la question de la dette et du surendettement. Mais en quoi cela consiste-t-il? «L’arpentage est une pratique qui vient du monde ouvrier au début du XXesiècle, mise en œuvre dans les maisons du peuple, et qui avait pour but de désacraliser le lien à la lecture, au savoir. Elle a été remise au goût du jour par les mouvements d’éducation populaire. Le principe est de réunir des personnes autour d’un thème, de déterminer en début de séance l’ouvrage parcouru durant les quatre heures qui suivent. On découpe ensuite le livre physiquement en autant de parties qu’il y a de personnes présentes. Chacun lit de son côté et, après, il y a un moment de partage sur la manière dont chacun a appréhendé son passage pour ensuite enchaîner sur une réflexion plus collective.»

Plusieurs ouvrages ont été ainsi disséqués: La fabrique de l’homme endettéde Maurizio Lazzarato, Ces vies en faillited’Olivier Bailly, Punir les pauvresde Loïc Wacquant ou encore La violence des richesdes Pincon-Charlot ont donné lieu à des discussions qui ont pour but de nourrir la création théâtrale à venir, mais pas uniquement. L’asbl Culture et Démocratie, qui participe aux activités d’arpentage, publiera en juin prochain une notice bibliographique, dans la collection des «Neuf Essentiels», qui consiste en une compilation de notices bibliographiques relatives à des ouvrages incontournables sur un sujet d’actualité qui touche à la culture ou à la démocratie, en l’occurrence ici la dette et le surendettement.

La pièce à venir

Si, pour Rémi Pons, 2018 a été un moment de récolte d’informations, 2019 sera une année d’écriture (pour laquelle il espère décrocher une bourse d’aide à la création) et 2020, celle de la production. S’il ne sait pas encore comment sa pièce va s’articuler, l’auteur sait déjà qu’il abordera la relation complexe entre personne surendettée et travailleur social, tout comme la question de la colère qui monte quand on se sent impuissant et dépossédé de son existence. «Ce sera une fiction avec une histoire, des personnages, des mises en situation, mais aussi avec un apport documentaire pour prendre du recul et s’interroger notamment sur l’échec des politiques d’aide qui tentent de pallier un problème plus structurel.»

Rendez-vous est pris pour découvrir le résultat de ce long processus de création.

Nathalie Cobbaut

 

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